La généralisation d’un système de retraite par répartition en France est héritée du programme du Conseil National de la Résistance. Ce système a donc été pensé conformément à un modèle où dominait le salariat masculin, avec des carrières longues et une faible mobilité professionnelle. L’évolution de notre société et du monde du travail, notamment la précarisation de l’emploi, pose aujourd’hui la question des « oubliés de la retraite », soit les catégories de personnes aux parcours atypiques ou ayant connu des périodes de rupture. Ces cas dits particuliers sont de plus en plus nombreux. Les polypensionnés, c’est-à-dire les travailleurs qui ont cotisé dans différentes caisses (par exemple le régime général, la Mutuelle Sociale Agricole ou le régime social des indépendants) ont du mal à s’y retrouver. Parmi les « oublié-e-s de la retraite », on retrouve les Chibanis, mais aussi les paysan-nes, les petit-e-s commerçant-e-s, ou les artisan-e-s. Dans le secteur agricole par exemple, la plupart des exploitants à la retraite vivent en dessous du seuil de pauvreté. Leur garantir une pension minimum à 85% du SMIC ne serait pas un luxe. D’autres secteurs d’activité, comme le monde du spectacle, sont également tributaires d’une protection sociale insuffisante.
Au-delà d’un simple constat par branche d’activité, les femmes sont celles qui souffrent le plus des inégalités du système. Leurs retraites sont en moyenne 43% inférieures à celles des hommes.
La réforme des retraites devrait être l’occasion de gommer, dans la mesure du possible, les inégalités entre les régimes et les individus, reflet des inégalités subies tout au long des parcours professionnels. Une réforme ambitieuse devrait avoir pour objectif la mise sur pied d’un système reposant sur principes généraux, considérant la retraite comme un droit universel, et garantissant aux retraité-e-s un niveau de vie décent.
Retrouvez cet article dans le numéro 3 de « VERT – le journal qui annonce la couleur ». Ce magazine propose un dossier consacré à l’épineuse question des retraites. Vous y retrouverez les analyses d’Eva Sas (responsable de la commission économie, social, services publics des Verts), Eva Joly (eurodéputée), Jean Desessard (sénateur), Alain Lipietz (économiste et chercheur), l’intervention de Jean Gadrey (professeur d’économie)…