De Sophie MAKRIS (AFP) –
PARIS — Manifestation de soutien à l’extérieur de la salle d’audience, multiples incidents de procédure à l’intérieur: le procès des auteurs présumés de l’incendie du Centre de rétention administrative (CRA) de Vincennes a débuté lundi dans une ambiance électrique devant le tribunal correctionnel de Paris.
Peu avant 17h00, le premier des trois après-midis prévus pour juger cette affaire s’est achevé sur un coup de théâtre: une demande de changement de composition du tribunal, qui pourrait provoquer l’ajournement du procès.
Les juges se sont donné jusqu’à mardi, 13h30, pour statuer sur cette demande.
C’est la défense de l’un des dix prévenus qui est l’origine de la procédure. A peine l’audience entamée, Moise Diakite a reconnu dans la présidente de la 16ème chambre du tribunal correctionnel une juge qui s’était prononcée sur son placement en détention dans un autre dossier, en 2005.
« Mon client me dit, du fait de ce passé, ne pas avoir confiance dans l’impartialité du tribunal. Il n’est pas possible de juger ce dossier dans la composition actuelle du celui-ci », a argumenté son avocate, Me Mylène Stambouli.
Une méfiance qui résume le climat dans lequel a débuté le procès. Plus d’un an et demi après l’incendie qui avait dévasté le CRA de Vincennes, le dossier reste sensible.
Le 22 juin 2008 dans l’après-midi, une manifestation de soutien aux étrangers se déroulait aux abords du centre, au lendemain du décès dans des circonstances obscures d’un Tunisien de 41 ans hébergé dans ce centre de rétention.
En milieu d’après-midi, plusieurs départs d’incendie étaient enregistrés à l’intérieur du bâtiment où des retenus avaient entassé des matelas, entraînant finalement la destruction des locaux du plus grand centre de rétention de France, à l’époque.
Pour soutenir les dix étrangers en situation irrégulière accusés d’avoir participé aux faits, plus d’une centaine de personnes ont fait le déplacement lundi au Palais de justice de Paris à l’appel de diverses associations (MRAP, Gisti, LDH, Solidaires…). On notait également la présence de deux élus: le député de Seine-Saint-Denis Jean-Pierre Brard (PCF) et Jean Desessard (Verts), sénateur de Paris
Faute de place, seule une poignée de personnes ont pu accéder à la salle, entraînant une montée de l’exaspération à l’extérieur et le démarrage de l’audience sous les cris de « justice à huis-clos », lancés par les manifestants de l’autre côté de la porte.
Avant le début du procès, les avocats avaient multiplié les déclarations à la presse pour dénoncer « un procès inéquitable », « un dossier vide », « une absence totale d’instruction ».
Les prévenus nient les faits. Six étaient présents à l’audience, libres, sauf un. Ils ont été identifiés par le visionnage des caméras de surveillance du centre, dont la défense conteste la fiabilité.
A l’époque des faits, l’incendue du CRA avait entraîné une polémique entre responsables politiques sur les conditions d’accueil en centre de rétention. Me Irène Terrel, avocate de l’un des prévenus, a dénoncé lundi « un procès symbole d’une politique d’immigration inquiétante du gouvernement ».
Ironie du sort: son client, le plus jeune des prévenus, clandestin d’à peine 20 ans, a été placé en garde à vue le matin même du procès à la suite d’un contrôle d’identité dans le métro, a rapporté Me Terrel. Entraînant la première suspension de cette audience à rebondissements, le temps qu’il soit remis en liberté et rejoigne le tribunal.