LEMONDE.FR | 09.12.09 | 22h19 A la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la France va obtenir deux sièges supplémentaires au Parlement européen, portant ainsi à soixante-quatorze son contingent d’eurodéputés. Durant une période transitoire, ces deux eurodéputés ne bénéficieront que d’un statut d’observateur, puis deviendront membres de plein exercice du Parlement européen. Les Verts ont à plusieurs reprises interpellé le président de la République et le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes afin de connaître les modalités de désignation de ces nouveaux « députés Lisbonne ».
Une méthode claire et transparente aurait dû être adoptée en amont du scrutin européen afin de préciser les modalités de désignation de ces nouveaux « députés Lisbonne » et garantir qu’ils seraient « élus » de manière démocratique, par des électeurs au fait de la nouvelle arithmétique issue du traité de Lisbonne. Un accord en amont sur la méthode aurait permis d’éviter l’actuelle levée de boucliers que le premier ministre qualifie de « polémique inutile » après l’avoir suscitée. N’ayant pas assumé ses responsabilités, le gouvernement nous propose aujourd’hui un ersatz démocratique, se traduisant par une « désignation » arbitraire.
Ainsi, le président de la République a demandé au président de l’Assemblée nationale de désigner arbitrairement ces deux eurodéputés parmi les députés nationaux. Cette désignation représente d’abord une négation du scrutin du 7 juin dernier. De plus, choisir des députés nationaux, élus sur un programme national, pour leur confier un mandat communautaire, est une hérésie. L’Assemblée nationale et le Parlement européen siègent en même temps. En tant que parlementaires, nous estimons qu’il est impossible d’allier les emplois du temps d’un mandat national et d’un mandat européen. Ce cumul démontre le peu de cas qui est fait de l’échelon communautaire par le gouvernement et sa majorité. Mais au-delà de l’aspect pratique, cette double fonction est incompatible avec les textes européens et la Constitution française. Certes, le simple statut d’observateur s’exerce dans un vide juridique notable ; mais une fois devenus membres de plein exercice, ces députés devront alors abandonner leur mandat national. Pourquoi ne pas attribuer ces deux sièges dès aujourd’hui à des candidats aux élections européennes ayant participé à la campagne et ne cumulant pas d’autres fonctions ? A défaut d’avoir fixé les règles avant le scrutin, il reste au gouvernement plusieurs moyens de se conformer au vote de juin 2009 : la première solution, la plus fidèle, est d’appliquer la règle électorale d’alors et de refaire le calcul sur une base de soixante-quatorze postes. Entreraient alors au Parlement européen la quatrième de la liste UMP dans l’Ouest, Mme Le Brun, et le deuxième de la liste Europe Ecologie dans le Nord-Ouest, M. Dufour.
Une autre méthode serait une correction démographique : elle consisterait à attribuer des sièges aux deux circonscriptions les plus défavorisées dans le rapport élus/population. Il s’agirait alors de la région Ouest, toujours avec Mme Le Brun, et de la région Centre, où serait alors élue la candidate socialiste Mme Jonathan. Loin d’être parfaites, ces techniques de désignation ont le mérite d’être objectives et de répondre aux exigences de transparence démocratique et de respect du suffrage universel telles que préconisées par le Parlement européen.
Le choix discrétionnaire de M. Sarkozy aggrave les insuffisances démocratiques en se superposant à une carence démocratique structurelle tenant à la régionalisation du scrutin européen. Contrairement aux autres Etats membres, la France a fait le choix d’une régionalisation artificielle de ce scrutin favorisant les partis majoritaires et permettant ainsi à l’UMP de bénéficier, lors des dernières élections, de 40 % des sièges en ayant remporté seulement 27,88 % des suffrages ! La régionalisation du scrutin européen et, maintenant, la désignation arbitraire de deux eurodéputés français par le président de l’Assemblée nationale, sont totalement contraires à l’esprit européen. La France s’éloigne de plus en plus de la juste représentation des électeurs, au profit desquels les Verts appellent à un scrutin à l’échelle de l’ensemble de l’Union, seul susceptible de faire ressortir la véritable couleur politique de l’Europe : celle qu’expriment les citoyens. Et non des nuances arrangées par les Etats-membres à leur convenance.
Marie-Christine Blandin, Alima Boumediene-Thiery, Dominique Voynet, Jean Desessard, et Jacques Muller, sénatrices et sénateurs Verts
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