Je suis intervenu le mercredi 22 février 2017 lors de l’examen de la proposition de loi visant à la mise en oeuvre effective du droit à l’eau potable et à l’assainissement. Ce texte avait été inscrit à l’ordre du jour à la demande du groupe écologiste.
L’intégralité des échanges est disponible en vidéo au lien suivant: http://videos.senat.fr/video.335079_58ad83eaebeb3.seance-publique-du-22-fevrier-2017-apres-midi?timecode=6994000.
Vous trouverez ci-dessous le texte de mon intervention. Seul le prononcé fait foi.
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Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour son dernier espace réservé, le groupe écologiste a pensé utile de reprendre une proposition de loi transpartisane déposée et adoptée à l’Assemblée nationale, défendue par M. le député Michel Lesage et ayant pour thématique l’eau pour tous.
Notre débat porte sur la mise en œuvre du droit humain à l’eau potable et à l’assainissement. L’effectivité de ce droit est nécessaire pour permettre un égal accès à une ressource vitale à la survie de l’espèce humaine, cela a été suffisamment dit. D’un point de vue tant sanitaire que social, il est urgent et de l’intérêt de tous de permettre cette égalité.
Monsieur Pointereau, vous avez affirmé que débattre de l’eau à deux mois de l’élection présidentielle constituait une manœuvre électorale, ou publicitaire, je ne sais plus.
Rémy Pointereau. D’affichage !
Jean Desessard. Vous ne manquez pas de souffle, parce que, si débattre de l’eau à deux mois de la présidentielle, c’est de l’affichage, alors le fait que vous nous ayez présenté hier une proposition de résolution sur l’eau et que vous nous présentiez une proposition de loi sur le même sujet demain, c’est un double affichage ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)
Dans ce texte, il est proposé de reconnaître en droit français le droit à l’eau potable et à l’assainissement, reconnaissance qui existe déjà à l’échelon international puisque deux résolutions de l’ONU, de 2010 et de 2013, qualifient ce droit de « fondamental ». Il s’agit aussi de garantir un accès physique à l’eau potable et à des équipements sanitaires, de créer une aide préventive d’accès à l’eau et à l’assainissement pour les bénéficiaires du RSA socle et d’organiser un débat sur la mise en œuvre de ce droit.
Si le groupe écologiste est convaincu de la nécessité de cette proposition de loi, au point d’avoir demandé son inscription à l’ordre du jour, c’est parce que la France est, elle aussi, concernée par cette question. Même s’il y a eu beaucoup d’avancées sur le problème de l’eau, M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur l’ont souligné, pourquoi certaines personnes n’ont-elles toujours pas accès à l’eau et à l’assainissement ? Comment expliquer que, au XXIe siècle, le pays des droits de l’homme laisse sans eau les personnes les plus fragiles ou vivant dans un habitat précaire ?
Roland Courteau. Bonne question !
Jean Desessard. S’il y a peu à faire, justement, pourquoi ne pas le faire maintenant ?
Christian Cambon. C’est au Gouvernement de s’en charger !
Jean Desessard. Dans beaucoup d’endroits, il y a des sans-abri.
Jacques Genest. Des noms !
Rémy Pointereau. Paris, par exemple !
Jean Desessard. Il y a aussi des personnes vivant dans une situation précaire, et vous en connaissez.
La devise de notre République pose le principe d’égalité ; nous devons l’appliquer à la question du droit à l’eau. Or quelle a été votre réponse, monsieur Pointereau ? Vous avez indiqué que c’était trop cher.
Rémy Pointereau. En effet !
Jean Desessard. Face au principe fondamental d’égalité, on ne peut pas avoir comme seule réponse « C’est trop cher, attendons demain que nous soyons plus riches » ! Ce n’est pas possible !
Au-delà des enjeux sociaux et de santé publique, la mise en place d’équipements sanitaires ou de distribution d’eau participe également à la valorisation de nos territoires. Comment expliquer que la cinquième puissance économique mondiale…
Rémy Pointereau. La sixième !
Jean Desessard. … ne soit pas en mesure de proposer des installations en nombre suffisant ? Nous avons dans nos territoires des touristes ou des promeneurs, mais également des SDF ; je ne sais pas ce qu’il en est dans votre ville, monsieur Pointereau, mais, sans vouloir vous faire un dessin, il n’est tout de même pas agréable de voir certaines personnes faire leurs besoins sur la voie publique ! Cela ne valorise pas les territoires ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Christian Cambon. Ce n’est pas un argument !
Roland Courteau. C’est la vérité !
Jean Desessard. Cela se passe dans beaucoup d’endroits, y compris à Paris ! Comment peut-on laisser faire ça ? Croyez-vous que cela valorise les territoires ? Non ! Et je ne parlerai pas des déficits de toilettes publiques, comme à Montpellier, ville qualifiée de « surdouée », où il n’y a que cinq toilettes publiques pour 257 000 habitants…
L’effectivité du droit à l’eau est également mise à mal par les difficultés que rencontrent certains ménages à payer leur eau. Un consensus existe pour considérer que le coût est excessif lorsque la facture dépasse 3 % des revenus. Or le constat est édifiant : environ un million de ménages sont confrontés à une facture excessive et ne seraient donc pas en mesure de la payer. Ce phénomène entraîne des impayés, eux-mêmes à l’origine de coupures d’eau, qui privent des familles de l’accès à cette ressource vitale. Cette situation est inacceptable !
Face à cette réalité, l’association France Libertés et d’autres ont proposé au législateur un certain nombre de modifications du droit afin de prévenir ces difficultés. Tel est l’objet du texte discuté aujourd’hui, qui propose de mettre en place une aide préventive d’accès à l’eau et à l’assainissement.
Cette nouvelle aide ne pèsera pas sur les collectivités territoriales. En effet, la présente proposition de loi prévoit l’affectation du produit de l’actuelle contribution sur les eaux embouteillées au financement de cette aide, contrairement à ce que vous disiez, monsieur Pointereau.
Jean-François Husson. Ça suffit ! Ce n’est pas un dialogue avec M. Pointereau !
Jean Desessard. À terme, cette aide permettra même de diminuer le coût des aides curatives. En effet, les fonds de solidarité pour le logement et les centres communaux d’action sociale auront de moins en moins de coûts de gestion liés aux dossiers d’impayés puisque ces derniers diminueront grâce à l’application de cette loi.
La proposition de loi examinée aujourd’hui présente un double avantage : elle reconnaît un droit effectif à l’eau potable et à l’assainissement tout en offrant un cadre juridique souple aux collectivités territoriales, ne vous en déplaise, monsieur Pointereau.
Jean-François Husson. Oh ! Encore ?
Jean Desessard. Cette position de compromis ne résulte pas du hasard. Ce texte, porté, je le rappelle, par des députés de quatre groupes politiques différents, a été construit en partenariat avec des associations comme France Libertés et certaines institutions. Soutenu par les embouteilleurs et les services de gestion des eaux, il a évolué pour tenir compte de la position du Gouvernement lors de sa lecture à l’Assemblée nationale.
le Président. Veuillez conclure, monsieur Desessard !
Jean Desessard. C’est pourquoi j’en appelle au bon sens – je n’ose pas dire, monsieur Pointereau, des Républicains – de toutes les couleurs politiques pour adopter ce texte conforme et ainsi poursuivre cet esprit constructif au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.)