Débat:  » Quel rôle les professions paramédicales peuvent-elles jouer dans la lutte contre les déserts médicaux? »

Je suis intervenu mercredi 22 février 2017 lors du débat sur le thème: « quel rôle les professions paramédicales peuvent-elles jouer dans la lutte contre les déserts médicaux ». Vous trouverez ci-dessous le texte de l’intervention. La version vidéo est disponible au lien suivant: http://videos.senat.fr/video.335079_58ad83eaebeb3.seance-publique-du-22-fevrier-2017-apres-midi?timecode=17342000.

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Monsieur le Président, madame la Secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe de l’UDI-UC, et je l’en remercie, a demandé l’inscription à l’ordre du jour de nos travaux d’un débat sur le rôle possible des professions paramédicales dans la lutte contre les déserts médicaux. Ce débat s’inscrit dans la continuité de celui qui s’est tenu dans cet hémicycle le 7 avril 2016 sur l’offre de soins dans les territoires ruraux et permettra de faire progresser la réflexion sur ce sujet.

Sans entrer dans le détail, rappelons que près de 52 000 médecins prendront vraisemblablement leur retraite dans les cinq années à venir. Nous subirons de plein fouet ces prochaines années les effets de l’instauration, puis de l’abaissement du numerus clausus. Comment en sommes-nous arrivés là ?

En avril dernier, mon collègue Hervé Poher proposait cinq pistes d’analyse.

Tout d’abord, les premiers étudiants concernés par le fameux numerus clausus instauré en 1971 prennent leur retraite en ce moment, ce qui explique, pour une large part, la situation actuelle. Le relèvement du numerus clausus en 1999 fut trop tardif et explique le creux que nous connaissons.

Ensuite, la formation des médecins a évolué, en particulier celle du généraliste, qui n’est plus initié aux gestes de la médecine polyvalente : petite chirurgie, gynécologie, pédiatrie, ORL, etc.

Par ailleurs, la formation se déroule principalement en hôpital, ce qui ne permet pas la découverte réelle du métier de médecin, lequel ne s’apprend que sur le terrain.

Quant au concours, il prend insuffisamment en compte la dimension philosophique et humaniste du métier de médecin.

Enfin, les jeunes médecins aspirent légitimement à un certain confort de vie.

Face à cette impasse structurelle, les réformes à engager sur la sélection des jeunes médecins, hommes et femmes, sur leur formation, sur le lieu de leurs premières expériences professionnelles, voire, si l’on ose, sur leur liberté d’installation, sont colossales et promettent d’intenses batailles politiques et parlementaires. En tout état de cause, elles ne produiront de toute façon pas d’effets avant une décennie ou deux.

Pour apporter une réponse conjoncturelle à ce problème, les deux derniers gouvernements ont créé et développé des maisons pluridisciplinaires de santé, dont le nombre devrait approcher le millier à la fin de l’année en cours. C’est, nous le pensons, une bonne méthode pour pallier une offre de soins insuffisante et inciter les médecins à s’installer en zone rurale. Certains envisagent même, dans la mesure du possible, de développer l’itinérance de ces maisons de santé, afin qu’elles puissent se déplacer au plus près des patients.

Cependant, ce dispositif est loin de régler tous les problèmes, au regard du nombre de personnes aujourd’hui privées de médecins.

Ces réflexions nous conduisent au débat du jour : les professions paramédicales peuvent-elles jouer un rôle pour combler une partie de cette absence d’offre de soins ?

Sur le papier, la chose paraît tout à fait raisonnable. Nombre d’actes médicaux sont répétitifs et pourraient être effectués par des paramédicaux ayant reçu une formation initiale ou complémentaire adaptée. On pense ainsi aux pharmaciens, qui peuvent déjà effectuer les vaccinations contre la grippe. Cette possibilité pourrait être étendue à d’autres types de vaccins. On pense également au rôle que peuvent déjà jouer les sages-femmes dans l’accompagnement des grossesses et des accouchements ne présentant pas de dangers ou dans le suivi gynécologique ou contraceptif des femmes.

Il faut cependant faire preuve de prudence. En effet, si certains soins peuvent être délégués, la responsabilité de ces actes incombera toujours au médecin.

On peut tout de même imaginer une évolution des pratiques dans un certain nombre de cas. Ainsi, certaines professions paramédicales pourraient tenir une place plus importante dans la coordination des soins, ainsi que le dépistage et le suivi de traitements au long cours.

Les infirmiers, par exemple, pourraient se voir accorder un rôle accru dans le suivi des maladies chroniques. De la même manière, dans le cadre de protocoles élaborés avec un médecin, ils pourraient assurer un suivi plus fin des patients et être en mesure, par exemple, de renouveler les ordonnances. Ce suivi devra néanmoins être encadré par des visites régulières chez le praticien. La délivrance de certificats d’aptitude, notamment sportive, pourrait aussi leur incomber.

Une autre piste mériterait d’être creusée, à savoir le rôle que pourraient jouer les paramédicaux dans le développement de l’e-médecine. Cette médecine étant par définition imparfaite – il est très complexe de poser un diagnostic sur un patient que l’on n’a pas en face de soi –, elle pourrait être renforcée par la présence de paramédicaux aux côtés du patient lors de la consultation virtuelle avec le médecin.

D’autres pistes intéressantes concernant les ophtalmologistes, les orthoptistes, les oculistes ont également été imaginées et seraient bien utiles dans certaines régions.

Pour conclure, je souhaite dire qu’il n’est pas interdit d’être pragmatique et réaliste pour faire face à la situation catastrophique de la répartition de l’offre de soins sur le territoire. Les paramédicaux peuvent, dans une certaine mesure, combler le manque de médecins généralistes. Mais soyons très clairs, si des solutions d’appoint peuvent être trouvées rapidement, elles ne doivent en aucune façon être un palliatif et se substituer à la lutte contre l’éradication des déserts médicaux, laquelle nécessite, on l’a vu, une réforme d’ampleur de la médecine française. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et de l’UDI-UC. – M. Alain Bertrand applaudit également.)