Je suis intervenu mardi 21 février 2017 lors du débat sur le thème : « Economie circulaire : un gisement de matières premières et d’emploi ». Ce débat a eu lieu à la demande du groupe écologiste du Sénat.
L’intégralité des échanges est disponible en vidéo au lien suivant: http://videos.senat.fr/video.332327_58ac371b3a0fc.seance-publique-du-21-fevrier-2017-apres-midi?timecode=8082000
Vous trouverez ci-dessous le texte de l’intervention.
(Crédits photos: Sénat)
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Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais placer mon argumentation sous le sceau du bon sens, du pragmatisme et du discernement.
Nous n’avons qu’une planète et sommes de plus en plus nombreux. Nous avons donc intérêt à ne pas créer de lieux inhabitables à cause de la pollution des rejets, comme des extractions.
Le soleil et les écosystèmes travaillent pour nous, produisent de la nourriture, renouvellent les sols, l’air et l’eau. Nous avons donc intérêt à favoriser leur bon fonctionnement, plutôt qu’à l’enrayer.
L’heureux mariage de la nature et de la culture, la rencontre fertile de la biodiversité et du travail paysan nous ont nourris et abrités. Les retombées créatives de l’innovation nous ont habillés, chauffés, soignés, cultivés, mais ont aussi, au cours des derniers siècles, accéléré la production d’alliages, d’objets, de constructions, d’infrastructures, demandant toujours plus de sable, plus de métaux, plus d’énergie. On produit, on consomme, on emballe, on jette… On fabrique même du « jetable tout de suite » !
Nous voici arrivés à un point où, au lieu de vivre des dividendes de la planète, nous croquons le capital et le dilapidons chaque année plus vite.
Des chercheurs ont calculé le « jour du dépassement », date à laquelle l’humanité a consommé ce qui est renouvelable en un an. Chaque année, ce jour arrive plus tôt : en 2016, c’était le 8 août. Après cette date, on vit à crédit, et on n’est pas solvable.
L’économie circulaire participe du développement durable en ce qu’elle rallonge la durée de vie des matières. Cela demande de penser la production, non seulement du berceau au cercueil, mais aussi du berceau d’un objet au berceau d’un autre. Alors, les ordures ménagères cessent de polluer la mer ou de partir en fumées de dioxines : elles font rouler nos bus au méthane et font pousser nos légumes sur compost. Des plastiques nous rhabillent de « polaires ». Et l’or des cartes téléphoniques évite que nous ne massacrions le cœur de la Guyane pour enrichir des multinationales. Dans cette logique, certaines matières, comme le mercure ou les autres substances visées par la directive RoHS, à l’instar du plomb ou du chrome hexavalent, deviennent personæ non gratæ, car elles font plus de dégâts qu’elles ne rendent de services.
Mais, pour que ces images d’Épinal deviennent réalité, il faut beaucoup de volonté politique et beaucoup d’innovations techniques : l’écoconception ne s’improvise pas.
La responsabilité de l’origine des matières premières, le démontage, la réparation, le recyclage des éléments doivent être pensés dès le départ. Ce ne fut pas le cas du nucléaire, et le casse-tête de ses déchets…comme celui du démantèlement montrent bien que l’on a fait décoller l’avion sans prévoir de piste d’atterrissage
L’économie circulaire nous conduit à nous interroger sur la finalité de la mise sur le marché des produits : par exemple, l’obsolescence programmée est incompatible avec l’économie circulaire. Dans le cas des téléphones, il est scandaleux que les fabricants rendent les batteries inamovibles, ce qui ne permet ni de les réparer ni de les réutiliser. Dans certains cas, cela ne permet même pas de les recycler si l’on ne trouve pas d’alternatives aux plastiques bromés, dont on ne sait pas gérer la toxicité en bout de chaîne.
Il faudrait donc, à vos côtés, madame la secrétaire d’État, le secrétaire d’État chargé de la recherche ou celui qui est chargé de l’industrie !
Il faut aussi réfléchir au partage de la valeur de l’objet recyclé tout au long de sa vie. Selon un rapport de McKinsey, réalisé pour la fondation Ellen MacArthur, l’économie circulaire permettrait aux entreprises d’économiser annuellement plus de 240 milliards de dollars en Europe, par réduction des achats de matière première. À vos côtés, madame la secrétaire d’État, il faudrait donc aussi un représentant de Bercy !
Enfin, nous savons que des règles communes européennes font le poids face aux constructeurs et aux mises en décharge : c’est le 13 mars prochain que commencera, à Strasbourg, l’arbitrage sur le paquet de directives relatives à l’économie circulaire. Contre la timidité de la Commission européenne et pour soutenir les exigences du Parlement européen, il faudrait près de vous, madame la secrétaire d’État, le secrétaire d’État chargé des affaires européennes ! Par là même, je veux montrer ici que vous les représentez tous…(Sourires.)
En revanche, les écologistes tiennent à préciser que l’économie circulaire n’équivaut pas à disséminer des poussières contaminées dans de la bonne terre arable, car la chaîne alimentaire a vite fait de tout reconcentrer et, in fine, les polluants se retrouvent dans nos assiettes. L’économie circulaire, ce n’est pas non plus fondre les aciers de faible radioactivité des vieilles centrales nucléaires pour en faire des casseroles, pas plus qu’il ne s’agit d’incorporer les boues rouges dans les remblais du BTP pour les répandre sous les routes, au risque de contaminer les nappes phréatiques.
Il ne suffit pas de rédiger un préambule pour décrocher son brevet d’économie circulaire. Celle-ci constitue une démarche complexe et exigeante. C’est aussi – et c’est ce qui nous motive – une démarche innovante et enthousiasmante. En ces temps de mutations inquiétantes et de perspectives assombries, dessiner un futur à vivre n’est pas un luxe.
Se dire que l’on peut cesser de mettre en tension des pays pauvres à l’autre bout du monde, en leur prenant leur lithium, leur uranium ou leur tantale, peut rendre espoir à la jeunesse. Se dire que l’on peut à la fois créer de l’emploi et cesser d’encrasser la planète est un beau programme, recyclable par tous, à condition d’y mettre de la sincérité et de la rigueur.
Enfin, en tant que président du groupe écologiste, je voudrais remercier Mme Marie-Christine Blandin de nous avoir soumis ce projet de débat. Je me réjouis de la qualité des interventions qui ont déjà eu lieu et je ne doute pas de celle des interventions à venir.
Pour nous, écologistes, voir que l’écologie est partagée est un pur bonheur ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC et du RDSE. – M. Bruno Sido applaudit également.)