Le groupe communiste a proposé hier, par une proposition de loi, d’abroger La « Loi travail ». Je suis intervenu au nom du groupe écologiste pour préciser les raisons de notre abstention collective. Si nous avions majoritairement voté contre la Loi travail lors des débats du printemps, il ne nous semblait pas opportun d’abroger purement et simplement cette loi sans conserver ses bonnes dispositions (Compte personnel d’activité, garantie jeune) et sans proposer une réforme alternative s’intéressant notamment à la protection sociale des travailleurs de l’économie « ubérisée ».
Monsieur le Président,
Madame la Ministre,
Monsieur le Rapporteur,
Mes chers collègues,
Le groupe CRC nous propose aujourd’hui l’abrogation d’une loi récente par un article unique.
Parce que les écologistes n’ont pas voté ce texte, parce qu’il a été promulgué après usage du 49-3 que renie aujourd’hui celui qui l’utilisa, parce que le vote se fit dans un contexte social conflictuel, avec l’opposition de nombreux syndicats, nous pourrions voter en faveur de ce texte.
D’ailleurs le groupe socialiste, avec notre soutien, utilisa cette méthode et abrogea en janvier 2013 la loi Ciotti, qui permettait de suspendre le versement des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire des enfants ; sept articles, déjà mis en œuvre, étaient concernés.
L’innovation législative est ici que l’on touche à 123 articles, près de 250 pages de code, un texte entré en vigueur avec trois-quarts des décrets d’application pris. La méthode est quelque peu radicale et il nous aurait semblé plus simple et plus efficace de proposer la suppression des seuls articles qui posaient problème.
***
Mais nous comprenons que la brutalité de cette proposition de loi répond à la brutalité avec laquelle la Loi Travail a été adoptée.
Sur le plan social, comment expliquer aux salariés, aux employeurs et plus généralement à l’ensemble de nos concitoyens, que l’on adopte une loi dans le but de promouvoir le dialogue social sans consulter, en amont, les partenaires sociaux ? Comment justifier une telle entorse à l’article 1er du Code du travail qui pose le principe d’une telle consultation dès lors qu’un projet de loi porte sur les relations de travail, l’emploi et la formation professionnelle ?
Sur le plan politique, je n’ai pas besoin d’en rajouter sur le caractère anti-démocratique du 49-3, puisque vous-même Mme la Ministre, ainsi que l’ancien Premier ministre, en avaient reconnu la brutalité.
Nous rappellerons que la diversité des sujets traités et des dispositifs proposés par cette loi rend son analyse complexe.
Le groupe écologiste est ainsi favorable à certaines dispositions. Le compte personnel d’activité, qui entérine l’individualisation des droits sociaux, peut représenter la première étape vers le revenu universel. Et, si nous aurions souhaité l’ouverture du RSA au 18-25 ans, la garantie jeune, sans aller si loin, constitue tout de même un premier minima social à destination des jeunes précaires. D’ailleurs, le compte personnel d’activité entre en vigueur demain…
D’autres dispositions, par contre, nous posent problème.
C’est le cas de l’inversion de la hiérarchie des normes qui permet désormais la signature d’accords d’entreprise moins favorables que la loi aux droits des travailleurs. S’il peut être pertinent, de favoriser la démocratie d’entreprise, nous considérons néanmoins que dans la situation économique actuelle d’adaptation à la mondialisation, avec le chômage et la précarité que nous connaissons, le rapport de force cantonné à l’entreprise ne peut pas être favorable aux salariés.
Par ailleurs, alors que nous défendons le principe d’une harmonisation sociale à l’échelle européenne, dessaisir l’Etat au profit des entreprises nous semble aller dans le sens exactement contraire…
Les nouvelles règles applicables aux licenciements pour motif économique permettent aux entreprises de licencier trop facilement. Le Plan de Sauvegarde de l’Emploi engagé hier par le quotidien « La Voix du Nord » en est le triste exemple. Ainsi, une entreprise bénéficiaire peut désormais, en justifiant une légère baisse de son activité, licencier le quart de ses salariés….
Nous regrettons également l’affaiblissement structurel de la médecine du travail qu’engendre cette loi en supprimant l’universalité de la visite d’aptitude à l’embauche.
***
Le principe de cette proposition de loi d’abrogation est pourtant source de difficultés. D’un côté, elle a notre sympathie puisqu’elle remet en cause une loi dont nous n’approuvions ni le contenu général, ni les conditions d’adoption. D’un autre côté, il n’est pas évident de voter en faveur d’un texte qui supprime des dispositifs déjà en application.
Face à ce constat, nous considérons qu’il sera nécessaire de revenir sur cette loi travail. Trois des candidats de la primaire socialiste, le candidat écologiste et le candidat de la France insoumise ne veulent-ils pas l’abroger ou la modifier en profondeur ? Voilà des éléments qui permettraient de reconstruire ensemble, avec les partenaires sociaux et les citoyens, une nouvelle réforme du droit du travail.Dans cette réforme, il faudra aussi s’attaquer à la future protection sociale des travailleurs de l’économie « ubérisée ».
Cette volonté de reconstruire le Code du travail ne se limite pas à l’abrogation déjà en application, mais nécessite un travail prospectif que cette proposition de loi n’engage pas.
Aussi, le groupe écologiste s’abstiendra,
Je vous remercie,