Question orale avec débat sur l’approvisionnement électrique de la France
Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, mes chers collègues,
Les dangers de la libéralisation
Pour commencer, je voudrais souligner mon accord avec certains aspects de ce rapport. Tout d’abord la critique virulente de la libéralisation de l’électricité, de l’abandon des tarifs régulés et des projets de directive sur le troisième paquet de libéralisation, prévoyant la privatisation des réseaux de transports d’énergie.
En effet, l’électricité n’est pas un bien comme les autres, tout d’abord parce qu’elle ne se stocke pas, ensuite parce qu’il s’agit d’un bien de première nécessité et enfin parce que sa gestion détermine notre indépendance énergétique et surtout notre niveau de pollution. Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi les parlementaires de l’UMP, en France, critiquent la libéralisation, alors même que leurs collègues au Parlement européen la votent à chaque fois, régulièrement depuis dix ans.
Seconde satisfaction, il est écrit dans le rapport, la France n’a pas vocation à se transformer en « poumon nucléaire de l’Europe ». Arrêtons donc d’exporter notre électricité en trop vers l’étranger, cela représente jusqu’à 20 % de notre électricité. D’une part parce que nous la vendons à perte. D’autre part parce que c’est la France qui assume ensuite la gestion de ces déchets. Dès lors, nous ne sommes pas seulement le « poumon nucléaire de l’Europe », nous en devenons même la poubelle radioactive. A quoi est dû ce trop plein d’électricité ? Aux prévisions surévaluées du lobby nucléaire. En 1975, EDF annonçait que nous aurions besoin de 1 000 Terawatt / heure en 2000 : des prévisions plus de deux fois surévaluées !
J’ajouterais même à cela que la France n’a pas vocation à être l’exportateur universel de la technologie nucléaire. C’est bien pour cela qu’il faut refuser la construction de l’EPR, qui sert à produire encore plus d’électricité, pour en exporter au lieu d’en économiser, et qui sert de maquette de vente pour l’étranger.
Les dangers de l’électricité nucléaire
Malgré ces quelques points d’accord, vous comprendrez que je ne puis approuver la position de ce rapport en faveur du nucléaire. Ce rapport se présente à tort comme consensuel, puisque Dominique Voynet avait voté contre. Quand 54 % des sondés jugent « anormal » d’investir trois milliards d’euros pour une nouvelle centrale nucléaire, comment voulez-vous qu’un rapport qui vante cette solution soit consensuel ? La plupart des Français sont conscients des dangers de la filière nucléaire : risques d’attentats, d’accidents, de tremblement de terre, de prolifération, absence de solution pour les déchets qui resteront radioactifs pendant des millénaires…
Et même en ce qui concerne, la sécurité de l’approvisionnement électrique de la France, le nucléaire ne constitue pas « un atout », contrairement à ce qu’écrivent les rapporteurs. L’électricité d’origine nucléaire nous a été présentée comme la garantie de l’indépendance énergétique de la France depuis les années 60. Rien n’est moins vrai. Cette électricité est dépendante de l’uranium, un minerai qu’on ne trouve plus en France depuis 2001, ce qui nous place dans une position de dépendance énergétique totale, envers le Niger, le Canada ou l’Australie. Le nucléaire s’arrêtera un jour puisqu’il dépend d’une ressource non renouvelable, qui devrait manquer d’ici à 70 ans si la filière nucléaire continue à se développer ainsi. La preuve que cette ressource se raréfie inexorablement : son cours a été multiplié par 10 depuis 2002. Et quant à la génération 4 qui permettrait au nucléaire ce recycler ses propres déchets, elle n’en est qu’au stade de la spéculation, on ne peut donc pas raisonnablement compter dessus.
La vraie sécurité d’approvisionnement : les énergies renouvelables…
Pour le gaz, même remarque. L’entreprise « Gaz de France » pourrait s’appeler « Gaz de l’Etranger » puisque, depuis la fin de Lacq, la totalité de la consommation du gaz naturel est importée. Or, dans toutes les régions de France, de nombreux sites, parfois de dimensions réduites, pourraient produire des gaz de décharge, préférables aux gaz à effet de serre, comme le méthane, dont la composition chimique est pratiquement identique à celle du gaz de terre que nous importons depuis la Russie. En France, on estime que le biogaz valorisable pourrait représenter jusqu’à 20 % de notre consommation de gaz naturel. Alors qu’aujourd’hui la quantité valorisée est seulement de 0,5 %…
La sécurité de l’approvisionnement, c’est donc très simple, ce sont les énergies renouvelables, c’est ça l’indépendance énergétique ! L’éolien, les déchets, la micro hydraulique, la géothermie profonde, le solaire, le bois de chauffage… A cet égard, le Grenelle a posé des objectifs ambitieux : augmenter de 20 millions de TEP la production d’ici 2020, et je m’en réjouis. Mais il n’a pas encore précisé les moyens financiers pour y parvenir. Or, pour développer réellement les énergies renouvelables, il faut y investir les milliards qui sont promis au nucléaire. Il faut faire des choix. La France disposait il y a trente ans d’un savoir-faire unique en matière hydraulique, que nous a fait perdre le choix du tout nucléaire. De même, alors que les cycles combinés au gaz se développent partout à l’étranger, nous avons là encore un train de retard. Et aujourd’hui, comme le rappelle Greenpeace en réaction aux annonces de Nicolas Sarkozy : « On ne peut lancer un grand programme d’économies d’énergie et développer les renouvelables, tout en continuant d’investir dans le nucléaire. »
… et les économies d’énergie
En plus des énergies renouvelables, pour diminuer notre vulnérabilité énergétique, nous avons besoin de consommer moins. Cela passe par une politique tarifaire qui incite aux économies d’énergie, et par des certificats d’économie d’énergie qui aient des objectifs ambitieux. L’électricité est le seul secteur dans lequel la France n’a pas réalisé des économies ces trente dernières années. Au contraire, depuis 35 ans, notre consommation finale d’électricité a été multipliée par trois ! Il faut dire qu’EDF a longtemps fait la promotion, dans ses campagnes télévisées, de la surconsommation, et que les agents commerciaux d’EDF sont encore payés au kWH vendu !
Et pourtant, des gisements d’économie importants existent : dans l’éclairage, les appareils en veille, l’isolation des logements et l’électronique de contrôle pour tous les usages. Encore faut-il accepter de monter les standards : des réfrigérateurs A++ pour tous, des normes Haute performance environnementale pour tous les nouveaux logements, etc. Il existe enfin une source de gaspillage qui est trop peu abordée dans ce rapport : le chauffage électrique, qui représente tout de même 12 % de notre consommation d’électricité. Il est qualifié par le président Sido d’« aberration » au détour d’une audition, mais sans tirer suffisamment les conséquences de la diffusion de ce mode de chauffage qui équipe 70 % des maisons récentes. Alors que le chauffage électrique est une hérésie énergétique, qu’il nous fragilise l’hiver durant les périodes de pointe, qu’il creuse les impayés des locataires de HLM. Pourquoi alors ne pas imiter les Danois, qui l’ont tout simplement interdit, sauf cas de force majeure ?
Mettre en place un système décentralisé
Toutes ces avancées supposent une régulation forte, mais aussi une organisation souple, décentralisée, diversifiée, au plus près des besoins, qui ne gaspille pas d’énergie dans des réseaux interminables. Une organisation qui ne dépende pas entièrement d’un centre, d’une technique de production, d’un seul carburant. Bref, c’est le contraire du nucléaire…
Et comme ce rapport fait la part belle au nucléaire, vous comprendrez que je ne peux que renouveler l’opposition des Verts, comme l’avait fait Dominique Voynet.
Question orale avec débat n° 0001A de M. Bruno Sido (Haute-Marne – UMP)
• publiée dans le JO Sénat du 13/09/2007 – page 1595
M. Bruno Sido interroge M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables, sur les suites que le Gouvernement pourrait donner aux propositions de la mission commune d’information du Sénat sur la sécurité d’approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver. Si les travaux de la mission ont permis de démontrer que cette sécurité était garantie dans des conditions satisfaisantes en France, aussi bien à court qu’à moyen terme, ils ont toutefois ouvert les pistes pour en assurer la préservation à long terme, tant dans le domaine de la production que dans celui du transport et de la distribution ainsi qu’en matière de maîtrise de la demande d’électricité. Plusieurs de ces quarante propositions adoptées par la mission visent à atteindre cet objectif et rendent nécessaires des décisions rapides au plan national.
Mais l’existence d’une plaque électrique interconnectée européenne impose aussi l’examen du niveau communautaire de la question de la sécurité d’approvisionnement du pays. À cet égard, la situation apparaît plus préoccupante et plusieurs constats de la mission l’ont conduite à préconiser des initiatives qui ne peuvent s’inscrire que dans un cadre européen. Dans ces conditions il souhaiterait connaître tant les traductions législatives et réglementaires que pourraient prochainement recevoir les préconisations du rapport de ses collègues, rapporteurs de la mission commune d’information du Sénat sur l’électricité, que les initiatives qui pourraient être prises par la France dans ce domaine à l’occasion tant de la discussion du nouveau paquet énergétique communautaire que de sa présidence de l’Union européenne.