A noter: le rapport sera publié et fera l’objet d’une conférence de presse le mardi 11 octobre 2016 à 8h30
Contribution de Jean DESESSARD du groupe écologiste
« Le Groupe écologiste tient à remercier toutes les personnalités qui ont contribué, par le partage de leur expertise, à enrichir les travaux de cette commission. Il salue également le travail réalisé par l’ensemble de la commission et, en particulier, par sa présidente et son rapporteur.
Cette commission, constituée à la demande du groupe Les Républicains, avait pour double objectif d’étudier la qualité de la mesure du chômage en France et dans d’autres pays et d’évaluer l’impact sur l’emploi de diverses politiques publiques mises en place chez nos voisins européens. Si l’on comprend bien qu’il est utile de s’assurer d’avoir un thermomètre efficace lorsque l’on souhaite s’en servir, le lien entre les deux objectifs de la mission ne nous apparait pas de manière plus claire à l’issue de nos travaux… S’il s’agissait de s’assurer que les chiffres du chômage n’étaient pas manipulés par le pouvoir exécutif, le groupe écologiste se félicite que les travaux de la commission permettent, autant que faire se peut, de lever les ultimes soupçons. Le sujet est trop important, trop grave pour être l’objet de polémiques politiciennes stériles comme nous en connaissons trop régulièrement.
Considérant l’importance capitale de l’évolution du taux de chômage du pays, véritable baromètre de la popularité de nos gouvernants, consacré par le rituel médiatique mensuel de la publication des chiffres, il est indispensable de se mettre d’accord sur une méthodologie unique et incontestable de mesure du chômage. En effet, ce rapport souligne, à nouveau, cette incongruité : deux méthodologies bien distinctes et imparfaites coexistent en France pour mesurer le chômage.
D’une part, le comptage mensuel des demandeurs d’emploi fourni par Pôle emploi et mesuré par la DARES, qui présente l’avantage d’englober à la fois les personnes sans emploi (catégorie A) mais également les travailleurs précaires (catégorie B). Toutefois, il ne recense pas pour autant l’ensemble des personnes en situation de chômage : quid des jeunes entre 18 et 24 ans ? Des bénéficiaires du RSA ? C’est pourquoi, le présent rapport préconise, à juste titre, de les prendre en considération dans le calcul des chiffres du chômage.
Le groupe écologiste partage un certain nombre des réserves émises par la commission d’enquête sur cette « méthode DEFM » (Demandeurs d’emplois en fin de mois) : en plus de l’impossibilité de comparaison internationale du taux de chômage, il est difficile d’étudier son évolution dans le temps en raison de la modification régulière des critères d’affiliation à Pôle emploi.
D’autre part, le chiffre trimestriel de l’INSEE, obtenu par une enquête statistique fondée sur la définition chômage établie par Bureau International du Travail (BIT), beaucoup plus répandue à l’échelle internationale et plus stable dans le temps. La commission d’enquête préconise une mensualisation de l’enquête INSEE, disposition à laquelle le groupe écologiste est favorable en émettant toutefois une réserve de taille : cette mesure ne prend pas en compte les travailleurs précaires (salariés à temps partiel – subi ou volontaire – et/ou titulaires de contrats courts) et il semblerait pertinent de lui associer la mesure du travail partiel (catégorie B de Pôle emploi), qui, à titre d’exemple, comptabilise, en août 2016, 725 000 travailleurs précaires non répertoriés par l’INSEE.
Dans un second temps, la commission d’enquête a souhaité étudier la corrélation existant entre la diminution des chiffres du chômage et les politiques publiques mises en place dans d’autres pays européens. Elle en dresse le constat suivant : tous les pays européens, dans la diversité de leurs situations économiques et sociales, ont dû faire face à augmentation importante du chômage sous l’effet conjoncturel de la « crise » financière de 2008 et celui plus structurel de la mutation de notre appareil productif de plus en plus automatisé. Dans ce contexte, nous ne pouvons que déplorer l’absence d’une politique européenne de lutte contre le chômage. Néanmoins, la commission a émis des recommandations : la mise en place, d’une part, de politiques actives et, d’autre part, de mesures contraignantes afin de favoriser le retour à l’emploi.
Les politiques actives sont, pour l’essentiel, un renforcement de l’accompagnement des chômeurs et de l’offre de formation. Le groupe écologiste est convaincu depuis longtemps de l’efficacité de ces dispositifs. Il a notamment proposé la mise en place d’un « guide de pilotage statistique (GPS) pour l’emploi » dans le cadre d’une proposition de résolution, adoptée le 2 avril 2015 par le Sénat. Cette résolution demande à l’État de mettre en place un outil statistique, national et local, pour justement identifier les raisons des postes non pourvus, afin de mieux guider les politiques publiques de l’emploi. Seulement, malgré le consensus politique, force est de constater que le Gouvernement n’a pas encore jugé opportun de le mettre en œuvre.
A contrario, la commission envisage des mesures contraignantes visant à obliger les chômeurs, à accepter certains emplois sous peine de voir diminuer ou disparaitre leurs indemnités. Le groupe écologiste s’oppose catégoriquement à la mise en œuvre de telles mesures reposant sur l’idée absurde – démentie par toutes les enquêtes sociologiques – que la cause principale du chômage résiderait dans la volonté des chômeurs de ne pas travailler… En effet, non seulement leur efficacité pour résorber le chômage n’est en rien démontrée – comme en témoigne le présent rapport -, mais elles constituent de surcroît un important facteur de précarisation et de paupérisation des travailleurs. Par crainte de perdre ou de voir diminuer leurs indemnités, les demandeurs d’emploi pourraient accepter un emploi qui ne correspond pas à leur qualification, faiblement rémunéré et/ou qui contraindrait leur vie familiale. Sur ce dernier point, l’exemple allemand est significatif : les chômeurs, par crainte de perdre leurs allocations, peuvent être contraints de déménager à l’autre bout du pays.
Pour conclure nous soulignerons que sous l’impact de l’automatisation, de la robotisation, de « l’ubérisation », de la nouvelle économie du partage et de la connaissance, le travail connait sa mutation la plus profonde depuis l’apparition du fordisme au début du XXe siècle. De ce fait, le groupe écologiste ne s’oppose pas à la légitime réflexion sur la fluidité du marché du travail : la recherche d’un réel compromis entre l’employeur et ses salariés est nécessaire pour peu que la démocratie d’entreprise fonctionne correctement. Seulement, compte-tenu du contexte social, nous nous inquiétons de la mise en place d’une flexibilité qui rimerait avec contrainte et précarité. En effet, il convient d’avoir à l’esprit que le nombre et la qualité des emplois vacants ne dépendent ni des chômeurs, ni de leur volonté de travailler. Il est essentiel de rappeler cette évidence alors que la moitié des emplois existants disparaitra dans les 20 prochaines années et qu’ils ne seront pas tous remplacés, loin de là. Notre conviction est la suivante : si on veut prendre à bras le corps le problème du chômage, c’est vers le partage du travail et le partage des richesses via un revenu universel, qu’il faut s’orienter. »