M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis d’aborder aujourd’hui le sujet des coopératives européennes. En effet, tout d’abord, il s’agit de groupes démocratiques, en particulier en ce qui concerne les SCOP, les sociétés coopératives ouvrières de production, qui montrent que le progrès social et le dynamisme économique peuvent aller de pair. Ensuite, l’accès de ce type d’entreprise à l’échelon européen, transnational, est une preuve de la vitalité de ce secteur.
Le fait de donner une dimension européenne aux coopératives est une bonne initiative. Je regrette néanmoins que ne soient pas transposées au niveau européen les règles de droit commercial applicables aux SCOP. Le projet de loi comporte une autre lacune : il n’est pas fait mention des organes de représentation des salariés. Sur ce point, la directive sur les sociétés européennes est plus précise dans la mesure où elle mentionne un organe de représentation du personnel.
C’est pourquoi les élus Verts au Sénat défendront un amendement pour que, comme le propose la CGSCOP, la Confédération générale des SCOP, les salariés en tant que tels soient représentés dans les instances des sociétés coopératives européennes basées en France.
Je voudrais également pointer l’exemplarité des SCOP en matière de rémunération des salariés, ouvriers et dirigeants. Comme les SCOP sont démocratiques, ce ne sont pas quelques managers qui décident des salaires de chacun. Les SCOP ont mis en place des fourchettes de salaire plus réduites que dans les entreprises capitalistes. Par exemple, alors que la rémunération des patrons du CAC 40 représentait en moyenne l’équivalent de 366 salaires minimum en 2004, soit un rapport de 1 à 366…
M. Guy Fischer. C’est exact !
M. Jean Desessard. …- et je suppose que celui-ci a encore augmenté -, l’entreprise Chèque Déjeuner, à l’inverse, est connue pour ses salaires compris dans une fourchette tout à fait raisonnable, avec un rapport de 1 à 5 ; et cela n’empêche pas cette entreprise, avec plus de 1 000 salariés et de nombreuses filiales à l’étranger, de connaître un vrai succès.
Avec 40 000 salariés répartis dans 1 700 SCOP en France, ce modèle fonctionne. Depuis dix ans, le nombre de SCOP et leurs effectifs salariés progressent dans toutes les régions. Ces sociétés réussissent également à l’étranger : en Italie, par exemple, ou en Espagne, avec le groupe coopératif basque Mondragon, qui emploie des dizaines de milliers de salariés. En Argentine, la forme coopérative a permis à des centaines de milliers de salariés de poursuivre l’activité de leur entreprise quand celle-ci a fait faillite.
L’intérêt de ce secteur économique, au-delà de sa taille qui reste relativement marginale malgré quelques succès, est de servir d’exemple au reste de l’économie. Démocratiser l’entreprise, c’est accepter que les salariés soient représentés en tant que tels, avec voix délibérative, au sein des conseils d’administration des entreprises, et non en tant qu’actionnaires. En effet, les salariés sont les premiers concernés par les choix de gestion de l’entreprise, et donc les plus légitimes pour y participer.
Pour la justice sociale, pour une réduction de la hiérarchie des salaires, pour une meilleure répartition entre le capital et le travail, pour que la croissance ne soit pas entièrement accaparée par les actionnaires, pour un respect plus strict des normes de sécurité, on peut faire confiance aux salariés puisqu’ils ont un intérêt personnel à appliquer ces principes de justice. En conclusion, je regrette tout de même que la création des sociétés européennes puis aujourd’hui des sociétés coopératives européennes ne s’accompagne pas de celle d’un statut pour les associations ou les fondations européennes. Les Européens ne sont pas uniquement des salariés ou des entrepreneurs, ce sont aussi des citoyens engagés, et ils doivent pouvoir l’être dans un cadre européen.
Alors, monsieur le ministre, si nous pouvons nous réjouir d’une harmonisation des statuts des salariés à l’échelle européenne, nous souhaiterions que la construction de l’Europe sociale aboutisse au maintien des statuts les plus favorables et non pas à la liquidation des droits des salariés.
M. Louis Souvet, rapporteur. Toujours plus !
M. Jean Desessard. Ne sommes-nous pas pour le progrès social à l’échelle européenne ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)