Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Monsieur le Rapporteur, mes chers collègues,
Le débat d’aujourd’hui se veut réparateur, régulateur des conséquences de l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité. En effet, la libéralisation des prix, le 1er juillet dernier, a entraîné une grande confusion, puisque, au même moment, tout le monde conseille aux consommateurs de rester aux tarifs réglementés, beaucoup moins chers que les tarifs libres. Personne n’a envie de subir le même sort que les entreprises, dont les factures sur le marché libre ont grimpé en flèche : + 65 % depuis 2004.
La proposition de loi que nous étudions, qui autoriserait certains consommateurs à revenir vers les tarifs réglementés, donne l’impression que l’UMP regrette cette « marche forcée » vers la concurrence, pour reprendre les mots du rapporteur, alors qu’elle l’a elle-même acceptée au niveau européen, et essaie maintenant de revenir en arrière. C’est louable, mais cela ne fera pas illusion longtemps puisque les dispositions qui sont discutées aujourd’hui prendront fin en 2010.
A tel point que l’on se demande bien, hormis la poursuite d’une idéologie néolibérale, pourquoi la France devrait s’ouvrir à la concurrence. Quel que soit son niveau, le tarif régulé est utile pour permettre à la puissance publique de protéger les consommateurs des aléas du marché, d’orienter les investissements et de maîtriser les consommations.
Car l’objectif principal, qui n’est pas discuté aujourd’hui, hélas, c’est de réduire nos consommations. Pour atteindre cet objectif et sortir du nucléaire en même temps, nous aurons besoin d’un secteur public fort, décentralisé, en pointe dans les énergies renouvelables. Et c’est pourquoi nous refusons la logique qui nous entraîne vers la privatisation d’EDF et de GDF.
Les vrais défis de l’énergie en France ne seront pas relevés grâce à la libéralisation ni à la privatisation. On parle de tarifs réglementés, qui sont en vérité des prix tout à fait arbitraires, artificiellement bas pour justifier le tout-nucléaire français.
La distorsion de concurrence du nucléaire
J’ai entendu parler de rente nucléaire, mais à mon avis elle n’existe pas :
Le kilowatt / heure d’EDF n’est pas si bon marché quand on le compare aux autres pays européens, puisque, sur 25 pays européens, il n’est que le 15è moins cher pour le prix hors-taxe du kilowatt / heure domestique.
Le nucléaire absorbe 90 % des crédits de recherche.
Pour parvenir, petit à petit, à un début de vérité des prix, je proposerai par amendement de mesurer par exemple le véritable coût du démantèlement des centrales nucléaires et du traitement des déchets radioactifs. Et cela pourrait atteindre plusieurs centaines de milliards d’euros.
Mais, il y a deux autres coûts du nucléaire qui devraient être mesurés.
D’autre part, il est impossible de chiffrer le risque, toujours présent, d’un accident nucléaire. Que ce risque soit lié à un séisme, un attentat, un accident quelconque, ou une défaillance humaine, nous n’avons pas le droit d’exclure a priori l’hypothèse d’un Tchernobyl à la française.
Le coût international de la dissémination nucléaire et du danger de cette prolifération nucléaire à l’échelle mondiale (à savoir terrorisme, conflits armés, …). A ce sujet, je ne peux que regretter le rôle de VRP du nucléaire joué par le Président de la République, d’abord en Libye puis à la tribune de l’ONU.
Une tarification progressive
Il est impossible de parler de concurrence dans le domaine de l’énergie tant que ne seront pas évalués les véritables coûts (y compris écologique) de l’industrie nucléaire. Si nous voulons recoller à la réalité, nous devons moduler les prix de l’électricité, afin d’inciter à la réduction de la consommation. Ce n’est pas très social, me direz-vous. Mais avec la tarification progressive, ça peut le devenir. Je propose la diminution de la part fixe des factures d’électricité, la gratuité ou le faible coût des premiers kilowatts / heure pour satisfaire les besoins de base, puis l’augmentation progressive au fur et à mesure de la consommation. Nous devons sortir d’un système aberrant où le prix de l’électricité est dégressif, où ceux qui gaspillent le plus l’énergie sont récompensés.
En ce qui concerne le fameux « droit à l’énergie » de nos concitoyens, il ne doit pas s’agir d’un droit de tirage infini pour tout un chacun. La prestation en énergie doit être considérée globalement comme un service, et non pas comme un flux d’énergie. Je préfère parler par exemple de droit à être éclairé et chauffé chez soi, de droit de pouvoir faire fonctionner les équipements ménagers, plutôt que de parler en nombre de kilowatts / heure.
Proposer aux plus précaires du chauffage électrique et le paiement par les services sociaux de son fonctionnement trop cher, ce n’est plus soutenable. Nous devons proposer des équipements économes, pour aller vers une réduction de la consommation, véritable politique énergétique alternative.
Nous allons voter ce petit amendement pour maintenir les tarifs régulés, mais nous nous opposons à la libéralisation du marché, à la persistance de l’investissement dans le nucléaire, et nous attendons du Grenelle de l’environnement un véritable plan de réduction de la consommation d’énergie.