Alors que le débat sur la loi travail est en cours d’examen au Sénat, Jean Desessard a fait des propositions pour améliorer un texte insatisfaisant en l’état.
Dès la présentation de la première version par le Gouvernement en Conseil des Ministres, le projet de loi travail a suscité de nombreux débats, aussi bien auprès des syndicats que des parlementaires, ou encore dans l’opinion publique. Non débattu à l’Assemblée en raison de l’adoption du texte en l’état en application de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, il sera bel et bien débattu au sénat.
Retrouvez l’intervention de Jean Desessard
Madame la Présidente,
Madame la Ministre,
Monsieur le Président de la Commission,
Messieurs les rapporteurs,
Cher-e-s collègues,
Le Gouvernement nous présente aujourd’hui un projet de loi qui ambitionne de moderniser le droit du travail en se targuant de laisser une place prépondérante au dialogue et à la négociation collective. Pourtant, force est de constater que le Gouvernement s’est éloigné de l’approche participative en ne consultant pas les syndicats en amont et en ayant recours à l’article 49-3, que vous aviez critiqué lorsque vous étiez dans l’opposition.
Aujourd’hui, Madame la Ministre, la droite sénatoriale vous permet de jouer la corde de défense des salariés et de vous revendiquer de l’équilibre. Je ne partage pas ce point de vue. Je considère que vous avez ouvert les vannes de la flexibilité au travail et que vous avez placé en haut du toboggan les réformes chères au MEDEF, et la droite n’a plus qu’à laisser glisser pour arriver à une véritable régression sociale.
En effet, si la flexibilité n’est pas assortie d’une sécurisation des parcours professionnels et de garanties pour l’emploi, peut-on réellement parler de modernisation ? Non ou alors quelle modernisation et pour qui ?
Nous refusons de participer à cette course au moins disant social où la norme reviendrait à s’aligner sur les plus bas salaires et conduirait à l’absence de sécurité de l’emploi.
Peut-on, comme vous le dites, Madame la Ministre, faire confiance au MEDEF qui devait créer un million d’emplois avec la mise en place du CICE ? Où sont-ils ces emplois ?
Par exemple, les milliards accordés auraient été plus utiles pour les collectivités locales qui auraient investi, conclu des marchés avec les entreprises au niveau du territoire et créé des emplois.
Nous refusons la philosophie de ce projet de loi. Même si quelques propositions apparaissent intéressantes, comme le compte personnel d’activité qui regroupe dans un même dispositif les droits liés à la formation, à la pénibilité et à l’engagement citoyen. Et la perspective d’y intégrer le compte-épargne temps, me convient également. Nous sommes en effet favorables aux droits attachés à la personne, qui tiennent compte du parcours en tant que salarié mais aussi en tant que citoyen.
Dès sa présentation, le projet de loi a suscité un certain nombre d’inquiétudes dans le pays. Inquiétudes partagées par une partie des forces syndicales et politiques, et les écologistes.
Au premier abord, l’idée d’une négociation collective au plus proche des salariés et des employeurs peut paraître séduisante. Mais il y a le texte et le contexte. Un climat défavorable aux salariés, quand il y a une contrainte économique pesant sur un nombre important de salariés, s’agit-il réellement d’une liberté ? La crainte de la perte de leur emploi ou du non-renouvellement de leur contrat n’entraîne-t-elle pas le risque que les salariés se voient imposer un certain nombre de leurs conditions de travail par leur employeur.
A ce sujet, l’article 2 est particulièrement significatif. En effet, il concède une place prépondérante à la négociation collective à l’échelle de l’entreprise ou de l’établissement s’agissant du temps de travail. La question du temps de travail revêt une grande importance dans la vie professionnelle des salariés dans la mesure où elle détermine le temps passé sur le lieu de travail, ainsi que le salaire perçu. Mais aussi la vie professionnelle, elle impacte la vie personnelle des salariés : leur santé, leur vie familiale, leur temps libre. Au regard de l’importance de ce temps dans la vie des salariés, il n’est pas raisonnable de prendre le risque de laisser la contrainte économique guider la négociation collective à ce sujet.
J’ai une question : aurait-on mis en place les congés payés, la sécurité sociale si tout était parti de l’entreprise ?
L’évolution des règles applicables au licenciement économique suscite également notre plus grande désapprobation. En effet, ce type de licenciement nous paraît clairement facilité au regard des critères retenus. En effet, ces critères permettent à ces dernières de créer artificiellement des difficultés. Le texte doit évoluer : le licenciement pour motif économique doit être une solution de dernier recours et le juge doit avoir davantage de latitude pour en apprécier les difficultés.
Malheureusement, force est de constater que suite à son examen par notre Commission des affaires sociales, le texte proposé introduit encore plus de flexibilité. Seules les dispositions relatives à l’apprentissage emportent notre satisfaction.
D’une façon générale, pour nous, la meilleure façon de créer l’emploi n’est pas de s’aligner sur le moins disant mondial.
Au contraire, valorisons nos atouts. Jamais nous ne pourrons être compétitifs avec les salaires de pays en développement comme l’Asie.
Valorisons la qualité, le travail bien fait, la créativité de notre pays. Ce qui fait la force de notre pays, c’est les infrastructures, le niveau de formation, une administration qui contrôle et donc rassure sur la qualité du produit, des services publics.
Pour conclure, le présent projet de loi entend concéder de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.
Là où de nombreuses nouvelles libertés ont été octroyées aux entreprises, peu de garanties aux actifs. L’idée de protection apparaît seulement dans l’intitulé du projet de loi ! Nous ne pouvons donc que désapprouver la version du texte qui a été adoptée par le 49-3 à l’Assemblée et encore plus la version caricaturale proposée aujourd’hui au Sénat.
Je vous remercie,
– Seul le prononcé fait foi –