Projet de loi pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux (urgence déclarée) – Explication de vote

M. Jean Desessard. J’ai pour habitude de commencer mon explication de vote sur l’ensemble d’un texte en adressant des remerciements au ministre ou au rapporteur, mais, cette fois, étant donné l’invocation de l’article 40 à l’encontre des excellents amendements que j’ai présentés ce matin, je ne puis m’y résoudre. (Sourires)

Pourtant, madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous n’avez pas ménagé votre peine pour nous donner des détails, pour expliquer, pour être précis. Je dois reconnaître que vous y avez mis de la bonne volonté, de l’entrain, de la technique. Bravo ! Toutefois, vos propositions sont tellement compliquées, malgré leur caractère séduisant, que personne n’y comprendra rien. Nous allons droit vers des difficultés d’application ; la suspicion de fraude ne manquera pas de s’installer et l’on demandera aux gens combien de temps ils ont travaillé, quelle est leur situation, etc.

En conséquence, ces mesures ne seront pas plus applicables que ne l’est le système actuel.

Il faudrait mettre en place une disposition très simple : un revenu social garanti pour tous ceux qui sont au chômage et en situation précaire. Pourquoi inventer des tas de systèmes ?

Vous avez choisi cette voie parce que vous accompagnez le libéralisme mondial, que vous vous placez sous la domination de l’OMC et du libéralisme européen et que vous voulez abaisser à tout prix le coût du travail pour être compétitif. En cela, vous suivez les directives du patronat : si le travail est trop cher en France, nous serons obligés de produire ailleurs, et, par conséquent, il convient de procéder à une baisse des salaires et des charges.

Où va-t-on s’arrêter ? Va t-on mettre un terme à cette spirale lorsqu’on arrivera au niveau du salaire chinois, comme s’interrogeait M. Virapoullé ? Ce dernier va-t-il voter ce projet de loi, lui qui est contre la mondialisation, qui dit que la concurrence mondiale tirera obligatoirement les salaires vers le bas ?

Si le système politique n’est pas capable d’empêcher la concurrence déloyale entre un salaire en Chine et un salaire en France, le travail en France diminuera obligatoirement, et les délocalisations se multiplieront. Des mesures existent ! Il est possible de créer des emplois, mais cela ne saurait passer par une prime à l’embauche. Je ne vois pas par quel miracle une prime à l’embauche serait susceptible de créer un emploi !

C’est ainsi que, lors de la discussion du projet de loi d’orientation agricole, nous avons proposé des mesures en faveur de l’agriculture biologique ou de proximité, dont nous savons qu’elle est créatrice d’emplois par rapport à l’agriculture industrielle. Or le Gouvernement n’a pas fait ce choix, au motif que c’était impossible.

De la même façon, lorsque nous avons discuté du projet de loi portant engagement national pour le logement, nous avons proposé d’introduire un cahier des charges en matière écologique pour la maîtrise de l’énergie, rappelant qu’il s’agissait là d’une disposition destinée à lutter contre le réchauffement climatique et qu’elle était créatrice d’emplois. Or cette proposition n’a pas non plus été retenue par le Gouvernement, alors qu’elle représentait la possibilité de créer des emplois de proximité, donc sur le sol français.

En discutant aujourd’hui des perspectives d’avenir avec les patrons, ces derniers se rendent compte qu’il existe une forte demande de voitures propres, de voitures écologiques. À quel moment ont-ils pris cette orientation ? Au lieu de construire des 4 x 4, véhicules très polluants qui vont à l’encontre des intérêts de la planète, ils auraient pu prendre le virage de l’écologie, cette voie étant créatrice d’emplois et permettant de mettre des voitures propres sur le marché. D’ailleurs, le patron de Ford lui-même l’a reconnu : c’est vers l’écologie et vers la voiture propre qu’il faut s’orienter.

Par conséquent, chaque fois qu’il y a une possibilité de créer des emplois, notre assemblée refuse de prendre les mesures adéquates.

J’ajoute qu’il existe d’autres moyens de créer des emplois aidés par le Gouvernement. Par exemple, dans le domaine de la santé, les besoins sont criants. Les infirmières et les médecins étant débordés de travail, ils tombent eux-mêmes malades, ce qui renforce la pénurie de ces personnels de santé. Il convient donc de créer de vrais emplois dans ce secteur.

De la même façon, il faut créer des emplois dans les domaines de l’éducation, de la recherche ; investir dans la recherche, c’est créer les emplois de demain ! Dès lors, pourquoi se contenter de « confettis » de petits emplois ? Lors du débat sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, nous avons recensé je ne sais combien de contrats différents, qui n’ont finalement abouti à rien puisqu’il ne s’agissait que d’habillage.

C’est la raison pour laquelle nous proposons d’instituer un vrai minimum social garanti pour lutter contre la précarité et de mener une véritable politique de l’emploi dans les services publics que je viens de mentionner. Enfin, il faut pouvoir mettre fin à tous les contrôles tatillons. Après avoir bénéficié du RMI, une personne se remet à travailler ; elle perd alors ses droits, avant de se retrouver à nouveau allocataire dudit RMI. Et elle doit payer sa facture d’EDF, alors qu’elle ne perçoit plus l’allocation logement. Tous les gens en situation précaire subissent ce parcours administratif impossible ; ils ne peuvent faire face !

Par conséquent, il convient de s’orienter vers une allocation universelle, en d’autres termes, un revenu universel d’existence. Voilà qui constituerait une vraie révolution, c’est-à-dire un véritable modèle social ! Nous avons connu dans le passé de grandes périodes de crise, au cours desquelles nous avons créé les congés payés, la sécurité sociale, les droits à la retraite. Aujourd’hui, eu égard au changement de société, il nous faut trouver des solutions originales et ne pas nous contenter d’une série de « confettis » sociaux ! Les Verts voteront contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)