Suite aux conclusions de la Commission Mixte Paritaire
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, je tiens avant tout à souligner la qualité du travail accompli par la commission des affaires économiques et ses rapporteurs, la richesse des débats au cours des six jours de discussion en deuxième lecture du projet de loi, ainsi que la cordialité des échanges, sur des sujets parfois épineux et polémiques, comme nous avons eu l’occasion de nous en apercevoir à plusieurs reprises.
Après ces éloges sur la forme qu’a prise notre débat, j’en viens au fond du projet de loi, sur lequel je serai plus sévère.
Tout d’abord, je regrette le caractère hétéroclite, fourre-tout et souvent réglementaire de ce texte qui, en tentant de couvrir l’ensemble des problèmes concernant les territoires ruraux, y perd en lisibilité et en cohérence. Et il faut ajouter que, malgré la lourdeur du texte, certaines questions ont été reportées à des débats ultérieurs.
Ensuite, je ne peux que déplorer le recul environnemental qu’impliquent certains articles relatifs à la chasse, à la loi montagne et à la loi littoral.
Certes, je me réjouis de la suppression de l’article 58 bis B, relatif au classement du pigeon ramier comme nuisible, et de l’article 65 bis AC, relatif aux zones d’exclusion des prédateurs dans les territoires de montagne dédiés au pastoralisme. Je note aussi avec satisfaction les avancées en matière de protection des zones humides.
Toutefois, d’autres dispositions du projet de loi demeurent écologiquement inacceptables.
S’agissant de la chasse, il semblerait que le lobbying exercé par les fédérations de chasseurs ait porté ses fruits puisque ce texte leur accorde une place quasi exclusive au sein du conseil d’administration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS.
Ce texte facilite allégrement les conditions d’exercice de la chasse. Son inconstitutionnalité européenne est confirmée puisque sont autorisés la chasse aux gluaux et le transport du grand gibier tué accidentellement à la suite d’une collision avec un véhicule permis, ce qui accroît les risques de braconnage.
Certaines des dispositions relatives à la montagne et au littoral sont, elles aussi, intolérables et nous font craindre de graves dérives dans leur application. Il en est ainsi de l’article 63 quater, qui permet des adaptations locales à la règle d’inconstructibilité dans la bande des 300 mètres autour des lacs de montagne de moins de mille hectares ou encore de l’article 75 sexies, qui suscite déjà de nombreuses polémiques dans les régions littorales. En effet, il sera désormais possible de construire dans la bande de 100 mètres bordant les étiers et les rus et d’urbaniser cette zone.
Cette disposition risque fort de nuire à la biodiversité de ces espaces et de défigurer des paysages qui participent de la culture maritime de notre pays.
Je souhaite également attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés d’application d’une telle mesure. Il en est d’ailleurs conscient puisque M. le secrétaire d’Etat a rappelé aujourd’hui que l’article 75 sexies avait été adopté par le Sénat contre l’avis du Gouvernement, mais que celui-ci n’avait pas souhaité s’opposer finalement à une disposition qui avait reçu l’aval de la commission mixte paritaire.
Il reviendra en effet aux maires des communes littorales de désigner les étiers et rus au bord desquels la protection ne jouera plus. Or non seulement les maires risquent de subir de nombreuses pressions, mais ils seront les seuls responsables des choix de construction dans des zones inondables.
En conclusion, je citerai deux extraits d’un rapport de la DATAR publié en 2004 :
« La construction contribue à l’artificialisation des littoraux. Elle est source d’impacts parfois irréversibles sur l’environnement. »
« Du point de vue écologique, les zones côtières constituent un patrimoine remarquable d’une grande richesse et qu’il faut protéger. »
Je crains malheureusement que certaines dispositions adoptées dans cette loi n’aient privilégié l’urbanisation plutôt que la préservation de la biodiversité et favorisé des intérêts particuliers au détriment de l’environnement, qui est d’intérêt général.
Pour toutes ces raisons, je voterai, comme les sénatrices Vertes, contre le texte qui nous est proposé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)