La suppression de l’allocation équivalent retraite (AER) survenue le 1er janvier 2011 a engendré une grande précarité pour de nombreux seniors, épargnant seulement ceux dont les droits à cette allocation avaient été ouverts avant cette date.
Les écologistes soutiennent le rétablissement de cette allocation nécessaire aux chômeurs seniors en fin de droits.
Intervention de M. Jean Desessard dans le débat du 20 mai 2015
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’allocation équivalent retraite, ou AER, instaurée par le gouvernement de Lionel Jospin en avril 2002, garantissait un minimum de ressources aux demandeurs d’emploi n’ayant pas atteint l’âge de la retraite mais justifiant des trimestres requis pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Cette mesure partait d’un constat : le système d’assurance chômage ne protège pas suffisamment les personnes âgées, dont le retour à l’emploi est difficile. Il est donc nécessaire de mettre en place un soutien plus important en leur faveur.
En effet, plus les demandeurs d’emploi sont âgés, plus il leur est difficile de trouver un emploi. L’âge est, de loin, le premier critère de discrimination à l’embauche et les plus de 50 ans représentent 31,6 % des chômeurs de longue durée. Dès lors, la logique assurantielle pure du chômage ne suffit plus pour ces personnes, puisqu’elles sont insuffisamment indemnisées.
La solidarité nationale doit entrer en jeu pour garantir un minimum de ressources. C’est précisément ce que permettait l’allocation équivalent retraite. Cependant, lors de l’examen de la loi de finances pour 2008, le gouvernement de l’époque a fait voter la suppression de ce dispositif dont le coût, 500 millions d’euros par an, était jugé trop élevé.
Face à la dureté de la crise économique et à son impact sur le marché de l’emploi, le gouvernement a choisi toutefois de prolonger le versement de cette allocation, à titre exceptionnel, en 2009, puis en 2010, avant de la supprimer définitivement le 1er janvier 2011.
Pour atténuer les effets sociaux de cette suppression, l’AER a été remplacée depuis le 1er juillet 2011 par l’allocation transitoire de solidarité, ou ATS. Celle-ci vise uniquement les ayants droit de l’AER avant sa suppression, c’est-à-dire les personnes nées en 1952 et 1953, afin de limiter les conséquences sur leurs ressources.
Disons-le clairement, ce statu quo n’est pas satisfaisant. Il induit une discrimination fondée uniquement sur l’année de naissance entre les ayants droit de l’ATS et les autres, ces derniers devant se contenter de l’assurance chômage et de ses carences.
Comme beaucoup ici, j’ai noté que le Président de la République, lors d’une interview télévisée du 6 novembre 2014, a reconnu qu’il fallait agir dans ce domaine et a annoncé le retour d’une allocation pour les chômeurs ayant suffisamment cotisé mais n’ayant pas encore atteint l’âge légal de départ à la retraite.
Les écologistes profitent donc de ce débat pour affirmer leur soutien à cette proposition et pour appeler à sa mise en œuvre rapide afin de soutenir les chômeurs seniors.
Néanmoins, même sous sa forme initiale, l’allocation équivalent retraite n’est pas exempte de défauts. Le fait que tous les revenus de la personne au-dessus de 631,62 euros par mois soient déduits de l’allocation peut freiner la recherche d’emploi. La prise en compte de la situation du conjoint est également problématique et renforce la dépendance financière des personnes envers leur conjoint. Enfin, la concentration de l’aide financière sur les seules personnes âgées occulte la situation des autres chômeurs de longue durée, qui ont, eux aussi, besoin de solutions nouvelles et pérennes.
Voilà pourquoi je profite de ce débat pour défendre, de façon plus globale, le revenu de base, universel, inconditionnel et individualisé permettant de donner les ressources financières suffisantes à tous les citoyens pour vivre dignement, quelle que soit leur situation.
Plutôt que de morceler les soutiens, de saupoudrer les aides et de catégoriser les publics visés, il est temps, au contraire, d’adopter une démarche universelle de solidarité en unifiant tous les minima sociaux et les aides d’État.
Les écologistes, mais aussi d’autres formations politiques de gauche comme de droite, des chercheurs, des universitaires, des économistes, demandent la mise en place de ce revenu universel, comme en témoigne un colloque organisé hier au Sénat et qui a connu une certaine affluence.
Un tel dispositif offrira aussi une plus grande clarté et une simplicité de gestion incomparable pour les services publics. Plus besoin d’autant de moyens humains et techniques pour traiter les demandes, vérifier les dossiers et rechercher les fraudes : le versement sera automatique.
Ainsi, le revenu de base se définit comme un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d’autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur une base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement.
Pour autant, dans l’attente d’une mise en œuvre de ce revenu de base, les écologistes sont favorables au rétablissement de l’allocation équivalent retraite et remercient le groupe CRC d’avoir attiré, par ce débat, l’attention du Sénat sur cette question.
Et puisque nous sommes tous d’accord (Sourires.), nous attendons avec impatience, monsieur le secrétaire d’État, non pas un accord sur le principe, mais les modalités de mise en œuvre de cette mesure. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Texte du débat.