Ce n’est pas en armant la police qu’on règle les problèmes de sécurité

voynet-flashball-2010-240Cinq ans après le drame de Montreuil où un lycéen perdait un oeil suite à un tir de Flashball, le moratoire sur les armes de catégorie 4 demandé par Dominique Voynet en 2011 est enfin débattu au sénat.

Voici la position défendue par Jean Desessard le 20 mai 2015 lors de la discussion en séance.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je ne voudrais pas abuser du temps imparti à l’ordre du jour réservé du groupe CRC, mais je ne peux que réagir à l’intervention d’Alain Gournac, qui a lancé le thème des amours : il aime les gendarmes, les policiers, les pompiers !

M. Alain Gournac. Et alors ? J’assume !

M. Jean Desessard. Moi aussi, j’aime les postiers, les cheminots et les infirmières ! (Sourires sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
La question ne se pose pas ainsi, cher collègue ! Nous tenons tous en effet à ce que la police et la gendarmerie garantissent notre sécurité.

M. Alain Gournac. J’ai le droit d’avoir ce point de vue !

M. Jean Desessard. Oui, et moi j’ai le droit de vous répondre !

Mme Cécile Cukierman. Et nous de ne pas être d’accord !

M. Jean Desessard. La vraie question est de savoir si, dans certaines circonstances, les forces de l’ordre n’utilisent pas leur arme au détriment de la sérénité et de la sécurité publiques.
Dominique Voynet a donné l’exemple, à ce sujet, d’une grève des lycéens qui s’est déroulée à Montreuil. Un jeune, sorti de son établissement pour aller manifester, et n’ayant rien fait d’autre que de remuer une poubelle, de la déplacer, sans attaquer personne donc, a reçu un projectile de Flash-Ball dans l’œil, et l’a ainsi perdu.
Ce n’est qu’un exemple, me direz-vous, mais on pourrait en citer d’autres. Convenez que, dans ce cas, l’arme a été utilisée de façon manifestement abusive. Il convient donc de se demander pourquoi. Or c’est bien l’ambition de la présente proposition de loi que de nous interpeler sur ce point : l’arme est-elle toujours utile ?

M. Alain Fouché. Oui, elle est utile !

M. Jean Desessard. En l’espèce, mal utilisée, elle a causé un dommage grave au lycéen. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Dès lors, devait-elle être utilisée ? Comment ? Telles sont les questions qui nous sont posées.

M. Alain Bertrand. C’était un accident !

M. Jean Desessard. Attention au « tout sécuritaire », mes chers collègues ! Il n’est pas réaliste de penser que c’est en armant toujours plus les forces de l’ordre que nous réglerons les problèmes de violence et de banditisme.

M. Alain Fouché. Personne ne dit cela !

M. Jean Desessard. Le groupe CRC et le groupe écologiste, qui voteront cette proposition de loi, ont une autre conception des choses : la sérénité et la sécurité publiques passent d’abord par une plus grande justice sociale. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) La tranquillité dans les quartiers ne peut pas être uniquement le fait de la police : elle vient de la justice sociale ; elle implique que chacun soit reconnu à sa juste valeur et puisse trouver un emploi.

(Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)


 

Illustration (image d’archive): Dominique Voynet présente le projectile qui à causé la perte de l’œil d’un lycéen à Montreuil en 2010 (vidéo d’archive).