Explication de vote de Jean Desessard sur l’ensemble du texte
Mes chers collègues, vous me permettrez d’abord de m’exprimer sur la forme qu’a prise notre débat. Monsieur le président, je tiens à vous remercier, ainsi que tous ceux qui se sont succédé pour présider la séance au cours de l’examen de ce projet de loi. J’ai ainsi fait la connaissance d’un certain nombre de nouveaux vice-présidents, et j’ai apprécié qu’ils s’inscrivent dans la tradition d’une animation rigoureuse mais compréhensive des séances du Sénat, afin de permettre le débat. Monsieur le haut-commissaire, je vous félicite pour vos talents explicatifs, votre ténacité et, bien sûr, votre connaissance du public confronté à la pauvreté.
Madame le rapporteur, je vous suis reconnaissant de vos réponses, de votre tranquille assurance et de votre amabilité. Je remercie également M. le président de la commission des affaires sociales de son soutien. Certes, j’aurais apprécié que l’on trouve une forme juridique plus satisfaisante en ce qui concerne mon amendement relatif aux déclarations mensuelles. Même si je commence à l’oublier, j’avoue que je le regrette encore un peu ! (Sourires.)
J’en viens au fond de ce projet de loi.
Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà souligné au cours de la discussion générale : monsieur le haut-commissaire, la réforme que vous proposez offre bien des avantages. Elle permet de favoriser le retour au travail d’un certain nombre de personnes et de lutter – un tout petit peu ! – contre la pauvreté, du moins à l’échelle des individus, car, pour ce qui est de la collectivité, nous devons attendre pour en juger.
J’ai bien noté que les conditions d’application de cette réforme posaient encore problème. La simplification administrative n’est pas avérée, et il faudra lancer ce processus. Le RSA ne constitue pas encore un revenu inconditionnel, et nous avons vu quelles formes de contrôle social impliquait une telle allocation. Enfin, les jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans restent exclus du dispositif.
On pourrait estimer que ces lacunes ne sont pas suffisantes pour refuser de voter ce texte, dès lors que ce dernier semble aller dans le bon sens. Toutefois, monsieur le haut-commissaire, nous sommes malheureusement obligés d’adopter une perspective politique, et de considérer que le RSA constitue un outil, qui peut être utilisé de différentes façons. Avec la même bêche, un jardinier peut aussi bien enlever les mauvaises herbes que couper tous ses plants de salade, notamment s’il est malvoyant ou si la politique qu’il mène n’est pas la bonne…
Or nous sommes quelque peu méfiants à l’égard d’un gouvernement qui souhaite adapter le code du travail à la mondialisation, c’est-à-dire parcelliser le travail, diminuer les rémunérations, mettre les salariés en concurrence avec ceux des pays émergents, notamment de la Chine, dont les conditions de travail sont très différentes. En un mot, nous soupçonnons le Gouvernement de vouloir casser les acquis sociaux !
Dans un tel contexte, quelles chances avez-vous d’atteindre vos objectifs, monsieur le haut-commissaire ? Votre projet de loi va-t-il subir la domination des impératifs économiques ou parviendra-t-il à leur échapper ?
Tel est bien le problème ! Dès lors que, aujourd’hui, nous ne sommes pas aux commandes de l’action gouvernementale, vous comprendrez que nous soyons méfiants !
C’est la raison pour laquelle les sénatrices et les sénateurs Verts s’abstiendront.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je ferai une remarque supplémentaire.
J’ai lu dans Le Parisien de ce matin un article dirigé contre les avantages du Sénat. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
Je ne hurlerai pas avec les loups, car j’ai entendu le président, les vice-présidents et les autres membres du bureau du Sénat affirmer qu’ils voulaient changer, rénover, moderniser notre institution et la rendre plus transparente.
Je sais aussi que c’est en général au moment où l’on s’attaque aux problèmes que ceux-ci apparaissent… Il en est ainsi du dopage dans le tour de France : c’est lorsque l’on a commencé à organiser des contrôles que l’on s’est aperçu que certains coureurs étaient dopés ! (Sourires.)
Je ne puis qu’encourager cette démarche de rénovation du Sénat.
Toutefois, notre débat, qui concerne directement les départements, dont le travail des trois ou quatre prochaines années sera précisément de gérer le RSA, aurait beaucoup gagné à bénéficier de l’éclairage de nos collègues présidents de conseil général ! Or, sur les trente-quatre présidents de conseil général que compte le Sénat, seuls quatre ont fait acte de présence. Ce n’est pas sérieux ! (Mme Nathalie Goulet applaudit.) Si nous voulons rendre tout son rôle à la Haute Assemblée, une réelle participation des sénateurs à la séance publique est indispensable.
Pour conclure, monsieur le haut-commissaire, je sais que vous allez être très occupé par la mise en place du RSA. Mais j’aurais apprécié, si cela avait été possible, que vous consacriez fût-ce une petite partie de votre fougue et de votre pouvoir de conviction à attaquer les parachutes dorés et les revenus des hauts dirigeants d’entreprise ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
J’aurais tant aimé que vous mettiez toute votre conviction et tout votre souci de la justice à combattre ces salaires exorbitants !
Je vous souhaite donc bon courage, monsieur le haut-commissaire, en espérant que les bonnes idées et les objectifs louables que vous nous avez présentés ne seront pas dévoyés par le système économique et par la politique du Gouvernement.