La crise dans laquelle nous entrons est d’une ampleur sans précédent, et elle appelle des réponses à la mesure de l’enjeu. Ce n’est rien de moins que notre modèle de développement productiviste qui est aujourd’hui remis en cause. La menace d’une crise sociale de grande ampleur vient donc s’ajouter à une crise écologique dont on découvre chaque jour qu’elle est plus grave qu’on ne le pensait.
Les travaux de ce groupe de travail sur la réforme du système financier international ont permis de dégager un accord sur quelques mesures à mettre en œuvre, dans l’urgence, aux niveaux mondial, européen et national.
Nous souhaitons cependant exprimer, en tant qu’élus écologistes, une approche différente sur le diagnostic de cette crise, et proposer sur un certain nombre de mesures complémentaires à mettre en œuvre à ces différents échelons.
Sur le diagnostic, nous souhaitons insister sur le fait que l’origine de la crise est bien plus profonde que le scandale des subprimes apparu à l’été 2007.
Les causes en sont multiples. Cette crise est d’abord celle d’un modèle de développement productiviste fondé sur un partage de plus en plus inégalitaire des revenus du capital et du travail, qui a conduit à un développement irresponsable du crédit aux ménages pour pallier à la stagnation, et même à la diminution, des revenus de la majorité d’entre eux. Ensuite, la crise de l’immobilier aux Etats-Unis, qui est elle-même liée à la hausse des prix du pétrole et des carburants, a encore amoindri la solvabilité des ménages à faibles revenus.
De plus, l’aspect financier de la crise, qui est le seul à avoir été traité jusqu’à présent, n’est que la partie émergée de l’iceberg que représentent les crises économique, sociale et écologique qui invalident notre modèle de développement. Cette crise doit nous amener à concevoir et à mettre en œuvre un nouveau modèle de développement fondé sur la sauvegarde des ressources naturelles, la réduction des inégalités – au sein de nos sociétés et entre le Nord et le Sud – et la préservation de la capacité des générations futures à vivre dans un monde sain et pacifique.
Sur les mesures à mettre en œuvre en matière de régulation, nous souhaitons exprimer un certain nombre de propositions qui se différencient de celles issues des travaux de la commission.
1°- Les agences de notation ont failli à leur rôle d’information sur la propagation du risque financier lié aux subprimes. Il ne nous semble pas judicieux d’en développer le nombre en suivant l’argument erroné selon lequel plus de concurrence entraîne plus de transparence et d’efficacité. La crise actuelle a montré à quel point la concurrence à tout prix conduisait, au contraire, à dissimuler les informations nécessaires au juste fonctionnement du marché. C’est pourquoi nous sommes favorables à la création d’une autorité publique de notation indépendante, au moins au niveau européen, et peut-être au niveau mondial sur le modèle de la Banque des Règlements Internationaux. De la même manière, nous sommes favorables à une meilleure règlementation des hedge funds en leur appliquant des règles particulièrement strictes (comme les normes de Bâle II), ainsi qu’à l’interdiction de la titrisation qui n’est qu’un outil secondaire dont l’utilité n’a pas été démontrée, contrairement aux risques qu’elle a conduits à propager.
2°- D’une façon générale, afin d’éviter la formation de zones de non-droit dans le secteur financier, avec la multiplication des innovations financières qui n’ont d’autre but que de contourner les rares règlementations existantes, nous proposons que tout nouveau produit dérivé soit soumis à une procédure d’accréditation auprès des régulateurs bancaires, afin d’en évaluer l’utilité et le niveau de risque. Les bourses doivent devenir des organismes publics sans but lucratif, et non plus des sociétés privées et cotées, car leur rôle est de faciliter les échanges et de rendre accessibles les informations aux acteurs du marché. Il nous semble également indispensable d’instaurer une séparation stricte des fonctions bancaires et assurancielles, et le rapprochement des autorités de régulation de ces deux secteurs ne doit pas avoir pour conséquence une fusion de ces activités.
3°- Par ailleurs, le monde est devenu multipolaire, et l’organisation des institutions financières internationales doit refléter de manière plus représentative la multiplicité des acteurs – au Nord comme au Sud -, notamment au sein du conseil d’administration du Fonds Monétaire International. La suprématie du dollar américain doit être remise en question, et le dollar ne doit plus constituer la principale monnaie de réserve mondiale, ni la seule référence en matière de commerce international. Un accord international doit également être recherché en vue de l’adoption d’un protocole visant à interdire les paradis fiscaux, en s’appuyant en particulier sur les nombreux travaux parlementaires réalisés à ce sujet. La France doit être exemplaire dans ce domaine, en remettant à plat les conventions avec les principautés d’Andorre et de Monaco, et les régimes particuliers applicables dans certaines collectivités d’outre-mer. Les entreprises françaises qui maintiendront des comptes, des filiales ou des holdings dans des paradis fiscaux devront être sanctionnées.
4°- Les normes comptables internationales ont été conçues et mises en œuvre par des comités d’experts auto-désignés, sans aucune consultation des instances démocratiques. Pour tirer les leçons des effets pro-cycliques des normes IFRS, de nouvelles normes comptables doivent être établies et adoptées par le Parlement européen, seule instance démocratique d’envergure internationale existante pour le moment.
5°- L’Union européenne doit s’acheminer vers une coordination de la régulation financière et des politiques budgétaires. Les obstacles institutionnels doivent être levés, en particulier le pacte de stabilité doit être revu, afin de permettre la mise en œuvre d’une politique contra-cyclique européenne fondée sur un nouveau modèle de développement juste et durable.
6°- Enfin, cette crise a montré à quel point la fuite en avant vers la déréglementation était dangereuse pour nos sociétés. La volonté nouvelle de régulation doit aussi s’appliquer au commerce mondial. La marche forcée vers le libre-échange total pèse de façon de plus en plus forte et néfaste sur le droit du travail, la protection sociale et les réglementations environnementales. Elle tire le modèle européen vers le bas en accélérant les délocalisations et la désindustrialisation des pays européens dont la France. La France doit porter avec force, au sein de l’Union Européenne, une position de régulation du commerce mondial pour que l’ouverture des marchés se fasse de façon progressive, loyale et équitable.