Intervention de Jean Desessard dans le débat de jeudi 27 novembre 2008 sur le budget 2009 du ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables.
Madame la présidente, madame, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon intervention en saluant l’augmentation de 5 % consentie cette année au budget de l’écologie, qui passera de 19,3 milliards d’euros en 2008 à 20,2 milliards d’euros en 2009. Cependant, cette augmentation ne saurait masquer les trois principales carences dont souffre ce budget.
Première carence, la hausse des crédits alloués à l’écologie pour 2009 doit être relativisée au regard des restrictions prévues dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, puisque, dans les deux prochaines années, les crédits de l’écologie vont diminuer de plus de 7 %. Si l’écologie semble être aujourd’hui une priorité, ce n’est en réalité qu’un effet d’optique budgétaire car, d’ici à 2011, elle sera déclassée de la liste des priorités du Gouvernement. En ce qui concerne les effectifs, 1 400 emplois équivalents temps plein travaillé ne seront pas renouvelés au sein du ministère, sous le prétexte d’une rationalisation de son action. Et ce ne sont pas les 423 emplois redéployés vers les politiques issues du Grenelle de l’environnement qui viendront compenser ces non-remplacements de départs à la retraite. Pourtant, les engagements pris lors du Grenelle de l’environnement devraient nous pousser vers plus d’action, et non vers une orientation à la baisse des moyens accordés à l’écologie.
Deuxième carence, le budget de l’écologie ne tient quasiment aucun compte des engagements pris lors du Grenelle de l’environnement. En effet, nous débattons de ce budget sans que le projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ait été discuté au Sénat. Il est donc légitime de s’interroger, à l’instar de notre commission des finances, sur le fait que le Grenelle soit « partout, sauf dans le budget ». Notre collègue Jean Arthuis l’a justement fait remarquer : « Ce sont les quatre cinquièmes du financement d’une des réformes les plus ambitieuses de la présente législature qui échapperont à l’autorisation budgétaire annuelle et ainsi à la démarche de performance promue par la LOLF. » En effet, l’essentiel du financement des mesures du Grenelle ne figure pas dans le budget et devrait provenir de ressources extrabudgétaires. Où sont donc passés les principes de sincérité et d’unité du budget ? Par ailleurs, les prévisions de croissance ont été largement revues à la baisse, et 2009 risque fort d’être une année de récession. Les Verts ne sont pas sourds à ce contexte économique difficile. Mais cette crise économique et financière ne doit pas être traitée indépendamment de la triple crise de la biodiversité, de l’énergie et du climat. Elle appelle une véritable révolution écologique. Pourtant, ce budget ne reflète absolument pas cette ambition. Les engagements du Grenelle de l’environnement représentent une opportunité pour substituer à notre modèle économique un modèle de développement soutenable, et sortir ainsi de la crise par le haut. Mais le Gouvernement ne semble pas avoir su saisir cette opportunité, et il tente de répondre à la crise avec des mesures improvisées.
Enfin, la troisième carence que je souhaite souligner dans ce budget concerne la politique des transports. Le Président de la République s’est engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 % d’ici à 2020. Le projet de budget pour 2009 devrait porter les premières traductions concrètes de cet engagement contenu dans le Grenelle. Or nous constatons une diminution de 70 millions d’euros par rapport à 2008 de la ligne budgétaire consacrée à la politique des transports. Le développement des transports urbains figurait également dans les engagements du Grenelle de l’environnement, notamment les lignes de transports en site propre. Leur mise en place dans plusieurs grandes villes de province, dont le réseau est aujourd’hui saturé, réclame un engagement important de l’État aux côtés des collectivités locales, qui ne pourront y pourvoir seules. Les associations d’élus évaluaient le coût de la création de 1 500 kilomètres de couloirs de bus et de lignes de tramway à 4 milliards d’euros. Le Grenelle n’en prévoyait déjà plus que 2,5 milliards d’euros et, au final, il n’en reste plus grand-chose dans le budget que vous nous proposez.
Ces inquiétudes sont renforcées par la menace que font planer certains parlementaires de la majorité – je ne l’ai pas entendue tout à l’heure – sur le dispositif de la taxe « poids lourds » prévu à l’article 60. Madame, monsieur le secrétaire d’État, je salue votre résistance face aux multiples amendements qui ont été déposés par votre majorité à l’Assemblée nationale et qui visaient à affaiblir ce dispositif pourtant essentiel. Cependant, des concessions trop importantes ont déjà été faites : diminution de la fourchette de perception – qui a été ramenée de 5-30 centimes à 2,5-20 centimes -, réduction de 25 % des péages dans certaines régions périphériques, exonérations pour les routes nationales à faible trafic, ou encore réduction de 13 % pour usage fréquent.
Selon vos propres mots, madame, monsieur le secrétaire d’État, ce budget devrait constituer une première étape vers le « verdissement » de la fiscalité dans notre pays. Nous sommes bien évidemment en accord total avec ce principe. Mais, en même temps, nous sommes au regret de constater que la réalité de ce budget est loin d’être satisfaisante au regard de cette grande ambition. Ce qu’il faut désormais, c’est opérer une véritable révolution écologique de la fiscalité. Malheureusement, ce n’est pas ce que vous nous proposez et nous en sommes très déçus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)