Le projet de loi de finance de la sécurité sociale (PLFSS) est en débat au sénat. Les sénatrices et sénateurs écologistes y voient des avancées dans le domaine de l’accès aux soins et de la prévention.
Nous désapprouvons par contre le mode de financement, plombé par une réduction des recettes dont la compensation est loin d’être idéale, et nous regrettons des occasions manquées d’aller plus loin sur la simplification administrative. Nous proposons un amendement en ce sens.
Nous sommes aussi en désaccord avec le choix du gouvernement concernant la modulation des allocations familiales universelles, alors qu’il nous semblait préférable d’agir sur le quotient familial (RI).
Voici le texte de mon intervention de ce jour dans l’hémicycle :
Les écologistes se félicitent d’un certain nombre de mesures positives de ce PLFSS.
Dans le chapitre « Amélioration de l’accès aux soins et aux droits », ils se réjouissent des mesures qui font échos aux 40 propositions du rapport que ma collègue Aline Archimbaud a remis au 1er Ministre en septembre 2013.
Nous saluons ainsi les projets d’accorder le tiers-payant intégral aux bénéficiaires de l’ACS dès le 1er juillet 2015 et de supprimer les franchises médicales pour ces mêmes bénéficiaires.
Nous saluons aussi la prise en compte de la prévention dans les lignes budgétaires du Fonds d’Intervention Régional (FIR) destinées aux actions initiées par les agences régionales de santé.
Nous saluons le fait que la rémunération à l’activité (T2A) prenne désormais en compte la qualité, la sécurité des soins et le contexte dans lequel s’insère la structure hospitalière.
Cependant, nous aurions pu prendre en compte la précarité des publics pris en charge en l’intégrant aux critères de rémunération des soignants libéraux comme des structures de santé.
De même, des mesures de simplifications sont nécessaires, comme celles qu’Aline Archimbaud présentait dans son rapport. Celles-ci font l’unanimité parmi les associations, les travailleurs sociaux, les acteurs de l’assurance maladie et les professionnels de santé qu’elle a pu entendre au cours des plusieurs mois qu’à durée sa mission.
Dans son 6ème rapport d’évaluation de la loi CMU rendu public il y a quelques jours, le fonds CMU fait en effet un constat accablant sur l’aide à la complémentaire santé (ACS), pour laquelle le non-recours atteint des records. Si – selon les estimations – entre 2,7 à 3,9 millions de personnes sont éligibles à cette aide, elles ne sont que 26 à 38% à y avoir effectivement recours.
Les articles 29 et 29 bis de ce texte – qui exonèrent donc les bénéficiaires de l’ACS de franchises médicales tout en les rendant éligibles au tiers-payant intégral -, ne concerneront donc en définitive que trop peu de personnes tant que nous ne nous attaquerons pas à la simplification des démarches pour accéder à cette aide.
Chers collègues, je vous incite à tenter de compléter le formulaire de demande de l’ACS et de franchir toutes les étapes du parcours du combattant qui suit, du rassemblement des nombreuses pièces demandées à la signature d’un contrat avec un organisme de complémentaire santé en passant par l’obtention de votre attestation de la Caisse primaire d’assurance maladie.
C’est en ce sens que notre groupe vous proposera un amendement de simplification. Celui-ci prévoit qu’il soit possible d’utiliser le revenu fiscal de référence, qui « tient » en une seule pièce pour la constitution du dossier de CMU-C ou d’ACS – plutôt que de demander aux candidats de justifier de toutes leurs ressources, ce qui peut constituer jusqu’à 100 pièces pour une personne.
C’est une mesure qui simplifierait la vie de tout le monde. Des usagers mais aussi des personnels des caisses d’assurance maladie, qui perdent trop de temps à éplucher des dossiers d’une épaisseur considérable et qui souvent même font le travail en double par rapport à d’autres administrations.
Le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (le SGmap) explique par ailleurs qu’en s’attaquant aux obstacles qui constituent ce parcours du combattant de l’accès aux soins, on améliore l’état de santé global de la population tout en dégageant un gisement d’économies substantielles qu’ils appellent « le gisement moins de maladies ».
Attachés à la pérennité de notre système de protection sociale nous vous proposons donc diverses mesures qui amènent certes des économies, mais des économies justes et des économies durables.
D’autre part, notre groupe continue de vous proposer, PLFSS après PLFSS, des mesures de fiscalité comportementales. Sur le tabac, sur l’huile de palme, l’aspartame ou encore le mercure dentaire, mesures que je ne vous présente plus.
Venons-en au point essentiel : nous assistons de manière tendancielle, à une diminution des recettes de la sécurité sociale et particulièrement pour 2015.
Les mesures du pacte de compétitivité ont induit, sans contreparties, des baisses de charges en faveur des entreprises. La conséquence est nette sur les recettes de la sécurité sociale : – 5,9 milliards d’euros en 2015, et même – 6,3 milliards d’euros si on y inclut la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Cette somme est considérable. Elle représente plus de la moitié du déficit prévu pour 2015.
Certes, le Gouvernement s’est engagé à compenser formellement cette perte de recettes. Mais il s’agit d’un trompe-l’œil.
En effet, ce n’est clairement pas avec des recettes nouvelles que l’État compense la perte de recettes pour la sécurité sociale, mais bel et bien avec les économies réalisées sur l’assurance maladie et la politique familiale. C’est d’ailleurs comme cela que le Gouvernement lui-même présente la situation lorsqu’il explique que le pacte de responsabilité sera financé en 2015 par 21 milliards d’économies – dont 9,6 portent sur la sécurité sociale.
Il est inquiétant de constater que le Gouvernement s’engage à des baisses de cotisations annuelles et ne les finance qu’avec une mesure par définition non reconductible l’année prochaine. Sur les quelque 6 milliards à compenser au titre du pacte en 2015, 1,5 milliards seront par exemple trouvés par un prélèvement sur la trésorerie des caisses de congés payés comme le prévoit l’article 14. On peut s’interroger sur l’impact financier que cela aura sur ces caisses.
D’autre part, via l’article 22 qui concerne l’exit tax, l’Etat récupère d’une main ce qu’il promet de compenser de l’autre. Ce dispositif, visant à prévenir l’exil fiscal, a en effet pour objet de transférer 445 millions de recettes de la sécurité sociale vers l’Etat, ce qui permet donc au Gouvernement de récupérer une partie de la compensation.
Au-delà des pertes de recettes dues au pacte de responsabilité, on ne peut que s’inquiéter de la volonté du gouvernement de revenir, sous la pression du Medef, sur l’amendement Bapt concernant la taxation des dividendes octroyés aux dirigeants. A l’initiative de son rapporteur, l’Assemblée nationale a en effet introduit dans le texte un amendement visant à dissuader les dirigeants d’entreprises de se rémunérer en dividendes plutôt qu’en salaire, par une augmentation adéquate de la fiscalité. Les écologistes saluent cette mesure et voteront pour son maintien au sein du texte.
On peut s’inquiéter des services qui ne seront plus rendus par manque de recettes. Nous regrettons que les possibilités de recours à l’emprunt des organismes de financement de la sécurité sociale soient augmentées par l’article 27. Après la fiscalisation, voici donc venu le temps de la financiarisation de notre modèle social, qui nous place dans une totale dépendance à l’égard des taux d’intérêt.
Concernant la politique familiale, nous avons un article majeur à étudier, fruit d’un accord entre le groupe socialiste de l’Assemblée nationale et le gouvernement : la modulation des allocations familiales selon le revenu.
Cette mesure remet en cause un principe fondamental de notre sécurité sociale : l’universalité des allocations familiales. Les prestations sont les mêmes pour tous et la redistribution s’effectue selon ce principe : « On cotise selon ses moyens, on reçoit selon ses besoins ».
L’argument employé pour justifier cette modulation est le suivant : les familles riches n’ont pas besoin de bénéficier d’autant d’allocations que les familles plus pauvres, celles-ci doivent donc être réduites.
Cet amendement porte un coup fatal au principe d’universalité en instaurant un seuil de modulation. En effet, aujourd’hui, le gouvernement a décidé que les allocations seront réduites pour les ménages gagnant plus de 6000 euros. Mais si demain nous avons besoin de plus d’économies, le gouvernement n’aura qu’à abaisser le seuil et ainsi impacter les familles jusqu’à 5000 ou 4000 euros de revenus mensuels.
Les écologistes sont attachés au principe d’universalité pour chaque enfant, et proposent ainsi l’ouverture des allocations familiales dès le premier enfant.
Le gouvernement et les parlementaires socialistes se disent également attachés au principe d’universalité. Si tel est le cas, il existe une mesure bien plus efficace que la modulation des allocations pour plus de justice sociale : la suppression du quotient familial. Voilà un avantage fiscal inégal, puisqu’il bénéficie en majorité aux plus aisés. Ainsi, pour une famille dont les parents touchent à eux deux le SMIC, le quotient familial est un avantage de 279 euros par an et par enfant, tandis que, pour une famille dont les parents perçoivent à eux deux six fois le SMIC, le quotient familial représente un avantage de 2 000 euros par an et par enfant.
Les écologistes sont favorables à sa suppression, pour le remplacer par une allocation universelle pour chaque enfant. Ainsi, la même somme serait attribuée pour chaque enfant, indépendamment du milieu dans lequel celui-ci est né. Il s’agirait d’une vraie réforme de justice sociale, contrairement à ce qui nous est aujourd’hui proposé dans ce PLFSS.
En résumé,
- Ce PLFSS comporte des avancées intéressantes, dans le domaine de l’accès aux soins et de la prévention.
- Mais il est plombé par une réduction des recettes dont la compensation est loin d’être idéale.
- Enfin, il comporte une mesure, la modulation des allocations familiales, qui est fondamentalement contraire à la philosophie des écologistes.
Pour toutes ces raisons, notre groupe ne votera pas ce PLFSS.