Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet de développer, d’encadrer et d’améliorer le statut des stagiaires. Ce triple objectif est louable pour mieux réguler une période de formation indispensable aux étudiants et faire en sorte qu’elle reste un temps d’apprentissage, sans se muer en emploi déguisé.
Il convient de lutter avec fermeté aussi bien contre les entreprises ayant tendance à considérer les stagiaires comme des employés bon marché que contre les instituts de formation délivrant trop légèrement des conventions de stage. Je pense aussi à tous ces blogs, sur lesquels, madame la secrétaire d’État, il serait intéressant de jeter un coup d’œil : on y recherche de manière urgente des stagiaires, mais les annonces sont rédigées de telle sorte – tout est défini, des qualités recherchées aux tâches à effectuer – qu’elles apparaissent rapidement comme de véritables propositions d’emploi.
Le Centre d’études et de recherches sur les qualifications estime que plus de 100 000 stagiaires, sur les 1,6 à 2 millions que compte notre pays, seraient en fait des salariés déguisés, soit une proportion d’au moins 6,25 %.
Il me semble que nous sommes tous d’accord dans cet hémicycle pour considérer le stage comme un élément de la formation, et non comme un premier emploi. Nous partageons tous cette analyse : le stage fait partie du cursus pédagogique et n’est en aucun cas un emploi. Comme il peut coûter cher, une indemnisation est prévue pour compenser les frais de déplacement, de représentation, etc. Mais il s’agit bien d’une indemnisation, et non d’un salaire.
Évidemment, la frontière entre les deux notions est étroite. En fin de formation, les stages deviennent beaucoup plus intéressants. Fort de son potentiel, de sa créativité, de sa jeunesse, le stagiaire a envie de s’investir. Il se réalise. Dès lors, il a tendance à préférer qu’on lui confie un poste ressemblant à son futur travail plutôt que de rester derrière les autres à les regarder travailler.
Cela étant, la présente proposition de loi comprend une série de mesures équilibrées.
L’article 1er met fin aux dérogations à la durée maximale de six mois pour un stage, afin de ne plus faire face à ces situations insupportables dans lesquelles des étudiants restent neuf mois ou un an en stage, avec une indemnisation mensuelle dépassant à peine 400 euros. Or, dans ces cas de figure, le stage ressemble tout de même beaucoup à un emploi !
En matière de rémunération, nous proposerons que les stages donnent lieu à une rétribution dès lors que leur durée est d’un mois, au lieu de deux actuellement.
Pour renforcer l’objectif pédagogique du stage, il est envisagé d’instaurer un volume minimal de formation en établissement avant la délivrance d’une convention. Cette mesure est accompagnée d’une obligation d’encadrement de l’étudiant aussi bien universitaire, via l’enseignant référent, que professionnel, via le tuteur de stage, un nombre maximal d’étudiants par tuteur et par enseignant étant prévu.
La proposition de loi renvoie à un décret la délimitation des seuils correspondants. Mais nous considérons que ceux-ci doivent être débattus dès maintenant. C’est pourquoi nous vous proposerons, mes chers collègues, que le volume minimal de formation soit fixé à 200 heures et qu’un enseignant ne puisse suivre plus de vingt-cinq stagiaires.
Pour ce qui concerne la protection des stagiaires, le texte définit des durées de travail maximales, reconnaît des droits aux congés, aux titres-restaurant, aux frais de transport, et renforce le rôle de l’inspection du travail pour contrôler les abus. Ces mesures sont salutaires et présentent un intérêt certain en vue de mieux protéger les stagiaires. Mais, cela a été souligné, ces dispositions soulèvent de nouveau la question, de toute évidence délicate, de la frontière entre formation et salariat.
Limitation de la durée de stage, renforcement du caractère pédagogique, amélioration de la protection du statut des stagiaires : ce sont des mesures équilibrées que cette proposition de loi comporte. C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous annonce que les membres du groupe écologiste se prononceront en faveur de ce texte.
Néanmoins, je n’achèverai pas mon intervention ici, tenant à apporter deux brefs commentaires annexes.
D’une part, puisqu’il est question de gratification, je rappelle que le groupe écologiste est favorable à une allocation universelle pour les étudiants. La pauvreté est grande parmi la jeunesse et chacun doit avoir les moyens de suivre une formation.
D’autre part, si l’adoption de cette proposition de loi permettra de bien encadrer les stages et d’améliorer le statut des stagiaires, l’accès au premier emploi n’en demeure pas moins le problème principal. Voilà la vraie question ! Si les jeunes acceptent les conditions imposées, s’ils veulent effectuer des stages, c’est guidés par l’espoir que, en se confrontant, stage après stage, à l’entreprise, leur talent et leur potentiel seront reconnus. Alors, ils se sentiront utiles.
Ainsi, nous voterons cette proposition de loi, mais nous considérons nécessaire qu’un effort soit réalisé par tous pour permettre aux jeunes de trouver un premier emploi et de mettre leur créativité, leur dynamisme, leur fougue au service des entreprises et de la société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
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