Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons de nouveau la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle seulement quinze jours après son premier passage dans cet hémicycle et dans la foulée d’un long débat sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Nous n’avons pas volé notre bonne nuit de sommeil.
Le texte que nous examinons aujourd’hui est d’abord une réponse à un constat, celui de la disparition progressive de notre tissu industriel. Entre 1980 et 2007, selon la direction générale du Trésor, les emplois dans l’industrie française sont passés de 5,3 millions à 3,4 millions, ce qui représente une baisse de 36 %. Selon une étude du cabinet Trendeo, plus de 120 000 emplois industriels ont disparu ces trois dernières années.
Bien sûr, ces chiffres peuvent s’expliquer par une hausse de la productivité et par une concurrence plus forte des pays émergents, qui disposent d’une main-d’œuvre bon marché. Toutefois, ils résultent également des comportements délibérés de certaines directions d’entreprise, plus motivées par des logiques financières et de profit de court terme que par le devenir de l’entreprise.
Il nous faut donc protéger notre économie réelle, face à l’économie non réelle. Nous avons déjà eu un débat à ce sujet ici même.
L’économie réelle, c’est ce que nous produisons, c’est le fruit d’un échange, ce sont des lieux, des productions, des usines, des ouvriers. L’économie non réelle, c’est la spéculation, l’argent rapide et facile, déconnecté du monde existant et enrichissant seulement une poignée d’individus.
Ces deux univers sont opposés tant sur leurs méthodes que sur leurs finalités. Dans le monde de la finance, les usines et les travailleurs sont des chiffres, des variables d’ajustement. La souffrance réelle des salariés, lorsqu’on ferme des sites de production, le chômage, les projets d’avenir perdus pour les familles, n’entrent pas en ligne de compte dans cet univers.
Socialistes, écologistes et radicaux de gauche ont déposé une proposition de loi, que nous examinons aujourd’hui pour la deuxième fois, visant à poser des garde-fous et limiter les abus d’une spéculation qui nuit à nos emplois et à nos sites industriels.
Le texte prévoit des mesures concrètes, comme l’obligation de recherche d’un repreneur, assortie de sanctions pour les employeurs qui ne s’y plieraient pas et accompagnée d’une information des salariés pour les sensibiliser aux possibilités de reprises qui leur sont ouvertes.
La loi vise également à limiter la prise de contrôle des sociétés par des groupes prédateurs : droit de vote double pour les actions détenues depuis deux ans, obligation de déboucher sur un contrôle d’au moins 50 % du capital de la société cible en cas d’OPA, possibilité d’attribuer jusqu’à 30 % des actions, de manière gratuite, à tous les salariés. Toutes ces mesures mettent en place un dispositif cohérent pour défendre l’économie réelle.
Dans le cadre de cette nouvelle lecture, je n’ai pas déposé d’amendements, non pas pour faire accélérer le processus, même si je suis sensible au fait que nous avons bien travaillé cette semaine, mais parce que j’ai obtenu satisfaction. En effet, en première lecture, j’avais défendu quatre amendements dont trois ont été repris par l’Assemblée nationale. Bien évidemment, j’aurais pu défendre de nouveau mon quatrième amendement ; mais Mme la rapporteur m’ayant convaincu du bien-fondé de la rédaction du texte, je me suis abstenu de le faire.
Permettez-moi de rappeler l’objet de mon premier amendement. Nous n’étions pas favorables à l’adoption d’un seuil de cinquante salariés s’agissant du déclenchement de la procédure de reprise d’un établissement, ce qui nous avait conduits à proposer un seuil de dix salariés. Mais l’Assemblée nationale a fait disparaître la notion de seuil, et nous nous en satisfaisons.
J’en viens à mon deuxième amendement. Nous souhaitions que les salariés soient spécifiquement informés des possibilités de reprise de leur établissement sous forme de sociétés coopérative et participative, ou SCOP. Vous aviez été sensible à une telle disposition, madame la rapporteur, et vous l’aviez reprise, tout comme l’Assemblée nationale, ce dont je me satisfais.
Enfin, les députés ont conservé un dispositif important à nos yeux, qui concerne les modalités d’attribution d’actions gratuites aux salariés de l’entreprise. Nous souhaitions que l’écart entre le nombre d’actions distribuées à chaque salarié ne puisse excéder un rapport de un à cinq, afin d’éviter que les cadres supérieurs touchent beaucoup et les petits salaires très peu. L’amendement en question a été repris par nos collègues écologistes et adopté par l’Assemblée nationale, ce dont nous nous réjouissons.
Ainsi, non seulement il s’agissait dès le départ d’un bon texte, guidé par la ferme intention de lutter contre la spéculation, mais nos amendements ont été adoptés !
Il n’existe donc aucun suspense : les écologistes voteront avec enthousiasme cette proposition de loi, qui témoigne d’une volonté de lutter contre la spéculation et de défendre l’outil industriel de proximité en France.
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