Monsieur le président,
Monsieur le ministre,
Madame la présidente de la commission,
Madame la rapporteur,
Messieurs les rapporteurs pour avis,
Mes chers collègues,
En commission des affaires sociales, nous avons longuement débattu de l’intitulé de cette proposition de loi. « Reconquérir l’économie réelle ». Certains se demandaient ce que cela signifiait. C’est pourtant simple, chers collègues ! L’économie réelle, c’est ce qui est produit, c’est le concret. C’est le fruit d’un échange entre les personnes. Ce sont des lieux et des productions. Ce sont des usines, des personnes qui travaillent et qui créent. Voilà l’économie réelle !
A contrario, l’économie non réelle, c’est la spéculation, l’argent rapide et facile, déconnecté du monde existant et enrichissant seulement une poignée d’individus. Ces deux univers s’opposent. Ils présentent des méthodes et des finalités divergentes.
Souvent – trop souvent – les logiques financières de court terme l’emportent sur l’économie réelle. Aussi, reconquérir l’économie réelle signifie opposer des garde-fous aux intérêts financiers court-termistes, pour garantir l’avenir de nos sites industriels et de leurs employés.
Chers collègues de l’opposition, si vos doutes persistent quant à l’économie réelle, je pourrai vous parler de la souffrance réelle des salariés, lorsqu’on ferme des sites de production. Je pourrai vous parler du chômage, du déclassement, des projets d’avenir perdus. Il faut défendre l’économie réelle !
C’est pour faire face à des situations inacceptables que les socialistes, les écologistes et les radicaux de gauche ont déposé cette proposition de loi. Il est urgent d’intervenir et de poser des bornes, pour combattre les abus et limiter les effets désastreux d’une logique spéculative, tout en respectant l’esprit d’entreprise.
Le cas de l’usine de Florange, dont la situation a inspiré la rédaction du présent texte, est particulièrement révélateur. Ce site était rentable, comme l’a prouvé le rapport remis à Arnaud Montebourg par Pascal Faure, alors vice-président du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, le 27 juillet 2012. Pourtant, le groupe ArcelorMittal a fait le choix de fermer les hauts-fourneaux, afin d’ajuster la production d’acier à la demande pour maintenir des prix élevés, tout en donnant la priorité à d’autres usines du groupe, encore plus rentables.
Le présent texte établit des règles, propose des procédures et précise des sanctions pour que les salariés ne soient pas les éternels sacrifiés de l’argent facile.
La première disposition phare est l’obligation de recherche d’un repreneur. Ainsi, une entreprise désireuse de se séparer de l’un de ses établissements doit impérativement rechercher un successeur potentiel, tout en informant les salariés, l’autorité administrative et les collectivités territoriales de sa démarche.
À nos yeux, ce volet d’information des salariés est essentiel. Via le comité d’entreprise, les employés prendront désormais connaissance des possibilités de reprise de leur établissement. Dans ce processus, l’économie sociale et solidaire a un rôle important à jouer : à cet égard, nous défendrons un amendement tendant à valoriser les sociétés coopératives et participatives, les SCOP, modèle juridique et solidaire qu’il convient particulièrement de mettre en avant.
Les précédents orateurs l’ont déjà souligné, le présent texte ne saurait se limiter à une simple déclaration de principe. C’est pourquoi il fixe des sanctions, qui pourront être prises à l’encontre des employeurs ne respectant pas la procédure de recherche d’un repreneur.
Par ailleurs, cette proposition de loi limite la prise de contrôle des sociétés par des groupes prédateurs, qui, bien souvent, font peu de cas des salariés travaillant au sein des entreprises rachetées. Les OPA devront déboucher sur un contrôle d’au moins 50 % du capital de la société cible, sous peine d’invalidation.
Dans la même perspective, le droit de vote double pour les actions détenues depuis deux ans sera généralisé. Cette mesure phare favorise l’actionnariat de long terme par rapport aux intérêts purement spéculatifs. En outre, comme l’a souligné M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, ce principe permettra également à l’État actionnaire de conserver son contrôle sur diverses sociétés, tout en y diminuant sa participation.
Enfin, la possibilité d’attribuer jusqu’à 30 % des actions, de manière gratuite, à tous les salariés parachève le dispositif de protection face aux prises de contrôle hostiles. Nous défendrons un amendement tendant à assurer une distribution équitable de ces parts entre tous les employés.
Ainsi, cette proposition de loi présente un éventail d’outils efficace et cohérent pour faire face, concrètement, à la fermeture injustifiée de sites industriels. Ces mesures permettront de sauver des emplois et d’empêcher la destruction des outils de travail des ouvriers à des fins spéculatives. Les sénateurs du groupe écologiste voteront donc, sans surprise, en faveur de ce texte.
Cela étant, au-delà de la simple défense de l’industrie française, il faut songer au développement de cette dernière. À ce titre, il convient de s’interroger sur le devenir de notre industrie et de nos moyens de production dans leur ensemble, alors que les ressources de la planète s’amenuisent. Cet avenir industriel, nous en sommes convaincus, repose sur la qualité, la proximité et le respect de l’environnement.
Je souhaite insister sur la qualité. Certains affirment qu’il faut baisser le coût du travail pour être compétitifs face à l’ensemble des pays de la planète. Quel est pourtant le pays au monde dont la qualité de la production jouit de la meilleure image de marque ? La France ! Les produits français évoquent le luxe, la qualité, le must !
Et vous voudriez nous faire croire que c’est en vendant des produits bas de gamme à l’étranger que nous serons crédibles ! Notre image de marque est formidable, et nous avons intérêt à la conforter en favorisant les produits de qualité. Voilà bien la stratégie que nous devons adopter, plutôt que de nous diriger vers des produits de faible qualité à moindre coût. Conservons cette image de qualité dont notre pays est porteur, nous n’avons pas à nous forcer pour la valoriser à l’étranger. Je vais manquer de temps, mes chers collègues !
La proximité doit être encouragée, également. Amorcer la transition vers les productions vertes, défendre et promouvoir l’image de marque de la qualité française, redynamiser, grâce à par l’implantation de productions à haute valeur technologique ajoutée, les zones industrielles désertées, telles sont les pistes à privilégier afin de mettre un terme au déclin industriel.
Cette proposition de loi nous invite à nous orienter résolument vers l’avenir, c’est pourquoi les sénatrices et les sénateurs écologistes la voteront avec enthousiasme.