Madame la présidente, Madame la ministre, Mesdames les ministres !
Mesdames les ministres, en effet – je n’avais pas vu Mme Taubira entrer dans l’hémicycle ! –, mes chers collègues, M. Bas nous présente une motion tendant au renvoi à la commission.
Sincèrement, je me demande combien d’heures de débat à l’Assemblée nationale, dans les commissions parlementaires, dans les médias, combien d’auditions et de rapports il faudra à la droite pour qu’elle se fasse enfin une opinion sur le mariage pour tous.
Que nous ne soyons pas tous d’accord, c’est compréhensible ; il faut respecter la diversité des idées. Mais invoquer l’argument selon lequel les conditions d’examen du présent texte n’ont pas permis de l’étudier de manière approfondie ni d’auditionner l’ensemble des autorités compétentes en la matière me semble, je suis désolé de vous le dire, mes chers collègues, tout à fait démagogique.
Pour ceux qui ont la mémoire courte, je rappelle que la commission des lois – je salue d’ailleurs en cet instant le travail de son président – a effectué de nombreuses auditions, plus de quarante !
Les sénateurs et sénatrices, dont ma collègue Esther Benbassa, qui s’est beaucoup investie sur ce texte, ont consulté, en commission, des experts de l’adoption, des psychanalystes, des ministres, des associations, des juristes, mais aussi des élus locaux, des représentants des différents cultes, des philosophes, des professeurs d’université, des pédopsychiatres, et j’en passe… Que faut-il de plus ?
Je crois que cette motion est avant tout un artifice, une procédure de mauvaise foi – n’y voyez aucun jeu de mots, mes chers collègues –, destinée à retarder nos travaux, mais en vain !
Certains semblent découvrir avec effarement que la famille est, en fait, une institution multiple et changeante.
Nous ne sommes plus à l’époque où l’homme était le chef de famille tout-puissant, ayant tous pouvoirs sur sa femme restant au foyer et sur ses enfants. La famille dite « nucléaire » n’est pas l’unique modèle du bonheur. Et, vous le savez, pour les écologistes, le nucléaire n’est pas un dogme ! Au-delà de la boutade, rappelons qu’il existe des familles élargies, reconstituées, recomposées, monoparentales, des familles sans enfant, et même des familles homoparentales.
Cette réalité est de plus en plus répandue, car notre société est ouverte et, en son sein, les hommes et les femmes sont libres et autonomes.
Il existe toute une biodiversité des couples : mixité des religions, des ethnies, des nationalités, des sexes. C’est cela qui fait aujourd’hui la richesse de notre civilisation.
Certains voudraient aussi faire un amalgame entre le mariage civil et le mariage religieux.
Moi qui suis très attaché aux valeurs républicaines, je ne comprends pas que l’on puisse ainsi confondre ces institutions !
Comme l’a très bien rappelé Mme la ministre, nous parlons ici du mariage civil créé en 1791, sur lequel le législateur a toute légitimité pour se prononcer.
Des arguments contradictoires, nous en entendons beaucoup ! Mais quelques-uns sont particulièrement cocasses !
On nous dit, par exemple, que, en tant qu’écologistes, nous devrions être contre le mariage pour tous, parce que deux personnes de même sexe, ce n’est pas naturel ; parce qu’il faut appliquer le « principe de précaution » pour les enfants ; parce qu’il faut veiller à la reproduction de l’espèce humaine.
Rassurez-vous, l’espèce humaine se pérennise très bien et le principe de précaution est respecté: déjà au moins sept pays ont légalisé le mariage homosexuel, à savoir les Pays-Bas en 2001, la Belgique en 2003, l’Espagne et le Québec en 2005, la Suède en 2009, le Portugal en 2010 et le Danemark en 2012, dont six autorisent l’adoption. Cela se passe très bien ; personne n’est revenu sur ces avancées.
Enfin, l’amour homosexuel est un sentiment qui s’exprime naturellement, tout comme chez les hétérosexuels, et cela doit être respecté.
Je vous l’affirme, les écologistes sont très attachés au mariage pour tous. Nous le revendiquons depuis longtemps, au nom de nos valeurs progressistes et respectueuses des droits de chacune et de chacun.
Mes chers collègues, en cet instant, permettez-moi une petite incidente personnelle.
Dans les années soixante-dix, c’est vrai, j’étais un grand défenseur des droits des homosexuels, de la liberté de vivre une autre sexualité. Je vous rappelle que ce n’est que depuis le décret du 27 juillet 1982 que l’homosexualité n’est plus considérée comme un délit !
Certes, ce décret a été précédé par une loi.
Ce rappel historique montre que ce combat date d’à peine trente ans.
Aujourd’hui, personne ne voudrait revenir sur ces dispositions, même si ce combat reste à mener dans d’autres pays.
Je pourrais établir une longue liste des arguments contradictoires, de mauvaise foi, mais je ne voudrais pas retarder nos débats, mon cher collègue.
Oui, il est temps de se décider. Le débat doit avoir lieu, avec l’examen des articles de ce projet de loi audacieux et d’actualité présenté par Mme Taubira, que je félicite pour sa détermination, son sérieux et son talent.
Je n’entrerai pas davantage dans ce jeu de rôle qui consiste à prolonger le débat de façon stérile.
Ce texte constitue une grande avancée pour l’égalité des droits et je suis fier que le Gouvernement le porte devant la Chambre haute. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter contre cette motion, tout comme mon groupe.