Suzylène, dix-huit ans, a été expulsée. Vers quel pays ? Le Cap-Vert. Par quel vol ? Nul, parmi ses amis, ne le savait encore précisément hier, mais un faisceau de présomptions laissait penser que c’est un avion militaire qui a arraché la jeune fille à sa famille. Alertés, jeudi après-midi, de l’imminence de son expulsion, lycéens, parents et enseignants du lycée Valmy de Colombes, dans les Hauts-de-Seine, où elle était scolarisée, ont tenté une ultime foi,s d’empêcher son départ. En vain. Contactée par le sénateur Jean Desessard, qui soutient la jeune fille depuis son arrestation, la préfecture lui a tout simplement menti.
« Elle a affirmé que l’avion décollait à 17h 10 d’Orly, explique Régis Signarbieux, enseignant à Valmy. Plus de soixante-dix personnes se rendent sur place pour s’opposer à l’expulsion de la jeune fille. Mais le nom de Suzylène ne figure sur aucune liste d’embarquement. « La police nous a alors dit que Suzylène avait décollé vers midi, poursuit Régis Signarbieux. Impossible : nous l’avions eue au téléphone vers· 14 heures •. À 18heures, Suzylène est enfin autorisée à appeler sa mère … depuis Lisbonne, où elle est en transfert. Quelques heures plus tard, elle atterrit au Cap- Vert. Et cc n’est que le lendemain que le collectif de soutien entend parler d’un départ depuis Le Bourget. Le vol militaire est évoqué, sans être confirmé.
Au lycée Valmy, enseignants et élèves se disent traumatisés par ce qui s’apparente à un enlèvement. Interpellée le 29 septembre, Suzylène, dix-huit ans, était enfermée en centre de rétention dès le lendemain. Ne disposant pas de papiers réglementaires, elle était sommée de quitter le territoire, seule, sans sa mère ni son jeune frère. Son unique contact au Cap-Vert : sa grandmère, âgée de quatre-vingt-trois ans. Sitôt alertés, le 2 octobre, les enseignants, élèves et parents du lycée avaient engagé des démarches. Pétitions, délégations … cela n’a pas suffi. Lundi dernier, le 9 octobre, les lycéens de rétablissement entamaient une grève et récoltaient 3000 signatures (en 24 heures), exigeant que ]a jeune fille reste en France, où elle vit depuis plusieurs années. Mercredi, recevant une délégation d’élus, d’élèves, de profs et de parents, le secrétaire général de la préfecture s’est montré inflexible. Mais il laissait entendre que le laissez-passer autorisant le transit de Suzylène n’était pas encore délivré. Le lendemain, vers 14 heures, ses amis appelaient la jeune fille pour la rassurer et lui dire que la bataille continuait .•• On m’amène à l’avion », répondait-t-elle alors. Un collectif de soutien, rassemblant syndicats enseignants, lycéens, étudiants et sans-papiers, devait se tenir hier après-midi, au niveau départemental, pour décider des suites à donner à l’action. Avant qu’il ne démarre, le mot « grève » courait sur les bouches de nombreux enseignants. Marie-Noëlle Bertrand Tous droits de reproduction réservés