Avenir de la société BOPACK basée à Bazouges-sur-le-loir
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre du redressement productif, je veux attirer votre attention sur une situation absurde : celle d’une entreprise qui licencie ses employés alors qu’elle est rentable économiquement. Il s’agit de l’entreprise Bopack, basée à Bazouges-sur-le-Loir, en pleine campagne sarthoise, dont les employés ont appris la cessation d’activité et la fermeture programmée le 26 avril dernier.
Installée depuis 1966, cette entreprise fabrique des étiquettes commerciales, principalement pour des entreprises agroalimentaires locales. Et vous savez que, aux yeux d’un écologiste, l’étiquetage et la traçabilité des produits alimentaires sont essentiels !
Dans les années 2000, face à un nombre important de commandes, l’entreprise a réalisé de nombreuses embauches, fonctionnant de jour comme de nuit, selon le système des 3×8. Florissante, elle a été rachetée en 2009 par le groupe Autajon, leader européen du packaging, avec un chiffre d’affaires de 405 millions d’euros en 2011, et dont le PDG, Gérard Autajon, figure au 352e rang dans le classement des 500 plus grandes fortunes de France réalisé par le magazine Challenges. Cela laissait présager de très beaux jours à Bopack, d’autant que nombre de clients de cette entreprise sont encore – mais pas pour longtemps ! – des clients de proximité.
Toutefois, les trente-six employés ont eu la désagréable surprise d’apprendre la fermeture du site, une fermeture annoncée comme « irrévocable », alors que celui-ci semblait toujours jouir d’une bonne santé économique. Il semble incohérent qu’un groupe achète une entreprise, puis la ferme quelques années après, alors même que celle-ci est rentable !
Bien entendu, certains penseront qu’il s’agit d’une stratégie du groupe Autajon pour éliminer la concurrence. Toutefois, ce n’est pas simplement qu’une usine qu’on ferme : ce sont surtout des emplois qui sont supprimés, des hommes et des familles qui vont souffrir.
J’ai pu moi-même voir sur place, en juin dernier, le combat que mènent ces salariés pour ne pas perdre leur emploi, ainsi que la surdité des dirigeants à leur demande de transparence des comptes. Les trente-six employés, âgés de 28 à 57 ans, qui ont vu supprimer leur emploi ont été formés à l’activité très spécifique de l’imprimerie, et certains d’entre eux totalisaient trente ans d’ancienneté.
Dans sa grande « générosité », la direction a octroyé à chacun d’entre eux une prime légale de licenciement, calculée en fonction de l’ancienneté. Je peux citer le cas d’un employé âgé de 36 ans qui a travaillé à Bopack pendant dix ans – dont quatre en tant qu’intérimaire, ce qui a son importance puisque les années d’intérim ne sont pas prises en compte dans le calcul de la prime – pour un salaire net de 1 400 euros par mois. Père de trois enfants à charge, devant rembourser le crédit consenti pour l’achat de sa maison, il se retrouve au chômage sans perspective de reconversion, avec une prime de seulement 2 200 euros ! Quelles sont les perspectives d’avenir dans la région pour ce jeune père de famille qui, il y a peu, travaillait dans une entreprise non seulement rentable mais aussi utile localement puisqu’elle contribuait à l’activité économique de la zone rurale dans laquelle elle était implantée ?
Monsieur le ministre, je sais que vous suivez de nombreux dossiers, dont certains sont très lourds, mais je souhaite vous demander ce que vous comptez faire pour Bopack et ses trente-six employés.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur Desessard, je vous remercie de vous préoccuper de la situation de l’entreprise Bopack, installée à Bazouges-sur-le-Loir, dans la Sarthe.
Vous l’avez dit, cette entreprise opère dans le domaine de l’impression d’étiquettes adhésives pour le secteur agroalimentaire. La fermeture du site de Bazouges a été annoncée aux trente-six salariés au printemps 2012. D’après les informations que l’entreprise a communiquées à ses salariés, cette fermeture fait suite à une dégradation continue des résultats de l’ensemble des implantations hexagonales de Bopack depuis 2007.
Cette annonce a surpris dans la mesure où Bopack avait été rachetée par le groupe Autajon en 2009. Nul ne s’attendait donc à ce qu’il y ait si vite des dégâts. Malheureusement, nous n’avons pris en charge ce dossier qu’une fois les annonces faites, ce qui soulève le problème de la réversibilité des décisions des entreprises. C’est pourquoi la mobilisation du territoire, des salariés et des élus est un point important.
Nous avons examiné les mesures sociales prévues par Bopack. Celles-ci ne dépassent pas les obligations posées par le cadre juridique actuel : l’entreprise a ainsi refusé d’octroyer la prime supra-conventionnelle de 60 000 euros réclamée par ses salariés. Comme cette entreprise compte moins de cinquante salariés, elle n’a pas l’obligation de mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi comportant des mesures d’envergure.
Je rappelle également que le groupe Autajon, propriétaire de l’entreprise, est néanmoins soumis à une obligation de revitalisation du site. Nous travaillons d’ailleurs, M. Michel Sapin, ministre en charge du travail et du dialogue social, et moi-même, à renforcer cette obligation afin qu’elle ne demeure pas virtuelle mais se traduise dans les faits. Il ne suffit pas de mandater un cabinet, qui se contentera de réaliser des entretiens personnalisés, sans plus réapparaître au bout de quelques mois, ou de financer avec de l’argent public des cellules de reclassement dont les résultats laissent toujours à désirer.
C’est une des raisons pour lesquelles le commissaire au redressement productif a demandé à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, d’accompagner au mieux les trente-six salariés et leurs familles. Deux salariés ont accepté un reclassement interne sur le site de Saumur ; une formation longue a été prise en charge par l’entreprise ; cinq départs volontaires ont été actés pour des embauches en CDI rapides. Restent donc vingt-huit salariés pour lesquels aucune solution n’a encore été trouvée.
Michel Sapin et moi-même avons donc demandé à nos services d’assurer un suivi particulier de cette affaire. Il s’agit d’accompagner ce plan social qui a été décidé avant que nous puissions intervenir. Nous devons faire en sorte que les salariés licenciés ne soient pas abandonnés à eux-mêmes ; c’est la préoccupation du Gouvernement. Le commissaire au redressement productif suit de près de ce dossier, et il me rendra compte de l’évolution de la situation de chacun des vingt-huit salariés aujourd’hui sans emploi.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces explications.
Il est difficile de ne pas penser que la lente dégradation économique due à des locations abusives de machines non utilisées a été organisée par le groupe Autajon afin de provoquer la faillite de Bopack, qui était, avant son rachat, un concurrent des autres entreprises du groupe. Il s’agit certainement d’une manipulation ayant consisté à racheter une entreprise florissante pour la condamner afin que les autres entreprises du groupe conservent leur place sur le marché.
Monsieur le ministre, j’approuve les termes que vous avez employés pour décrire la situation. On sent que vous êtes réellement motivé, et on peut donc espérer un certain nombre de résultats. Sachez en tout cas que vous pouvez compter sur l’ensemble des sénatrices et sénateurs pour vous aider à empêcher de tels agissements, qui condamnent des ouvriers au chômage alors qu’il serait utile qu’une activité économique subsiste dans le territoire. On ne peut pas laisser se mettre en place un jeu de Monopoly social ; il nous faut réagir de manière ferme. Vous pouvez donc compter sur nous, monsieur le ministre, pour soutenir les projets de loi que vous présenterez afin de maintenir l’emploi dans les secteurs ruraux.