Séance du 21 Février 2012 :
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, la recherche sur les personnes nous concerne tous ! Le texte dont nous allons débattre ce soir est plus que jamais nécessaire.
Bien sûr, la recherche sur la personne a toujours existé. Mais aujourd’hui, à l’heure des grandes firmes pharmaceutiques transnationales, des essais qui se font parfois à l’échelle planétaire, parfois dans une déshumanisation dangereuse, avec des produits de plus en plus sophistiqués et pour des intérêts parfois plus financiers que philanthropiques, l’encadrement précis de cette recherche sur la personne devient une nécessité pour les mortels que nous sommes.
Toute personne doit rester maîtresse de son corps, de ses décisions, et toute intervention doit se faire avec son accord, au sein d’un dialogue constant avec le praticien, et le contrôle de cet accord doit être pratiqué par un organisme indépendant. Tel est pour nous l’enjeu essentiel de cette proposition de loi.
Bien sûr, il existait déjà un début d’arsenal législatif sur la question. Je tiens là aussi à souligner le rôle déterminant du Sénat en 1988 avec la loi Huriet-Sérusclat, du nom des sénateurs Claude Huriet et Franck Sérusclat, texte qui est le fondement de notre système législatif en matière de droit des personnes face à la recherche médicale. Puis il y a eu les lois dites « Kouchner », ainsi que de nombreuses circulaires européennes. Il faut saluer l’ensemble de ces textes, parce qu’ils ont permis de mettre le patient au centre de la démarche thérapeutique, mais également de la recherche.
Cela dit, ce millefeuille législatif est de toute évidence non seulement complexe, mais toujours insuffisant au regard de l’étendue du champ d’application de la recherche sur la personne.
Si la recherche est un bien précieux pour tous les citoyens et les citoyennes que nous sommes, elle peut aussi mettre en danger les droits fondamentaux : le premier droit n’est-il pas de disposer de son propre corps ?
Or, en l’état, les lois ne prenaient notamment pas en considération – ou de manière imprécise et parfois contradictoire – les recherches non interventionnelles et de soins courants. Ces recherches, qui consistent à observer le patient et celles qui interviennent de manière bénigne par un soin courant sur celui-ci, n’étaient jusque-là pas assorties d’une quelconque autorisation de la personne concernée.
Or ce qui peut paraître secondaire ne l’est pas : ce texte permet enfin qu’il existe un droit commun de la recherche sur la personne. Il permet qu’il existe une protection de la personne face à toutes les recherches effectuées sur elle, par principe, mais également parce qu’un simple protocole d’observation peut avoir un impact sur le soin lui-même. Le patient doit pouvoir être averti de ce qui est observé pour être en mesure de vérifier ce que cette observation implique comme protocole thérapeutique et éventuel « non-soin ». C’est effectivement très simple.
En bref, mes chers collègues, en matière de recherche sur la personne humaine, tout doit être pris en considération. L’intérêt d’un texte qui protège la personne pour tout type de recherche est indiscutable.
Cette proposition de loi a le mérite de le faire, et ce malgré l’esprit initial du texte qui consistait d’abord à simplifier la démarche des scientifiques plutôt que de protéger la personne.
Depuis maintenant trois ans, du chemin a été parcouru et le travail effectué au Sénat a été salutaire.
Aujourd’hui, les zones d’ombre de ce texte sont en grande partie levées.
Nous étions inquiets des conflits d’intérêts qui risquaient d’exister si les chercheurs désignaient eux-mêmes les comités de protection des personnes censées suivre le processus de recherches : finalement, le tirage au sort du CPP pour chaque protocole, avec possibilité d’avoir un second droit de tirage pour l’équipe de chercheurs, nous convient. Le fait que les CPP soient majoritairement composés de scientifiques et d’usagers, également. Enfin, le consentement du patient est au maximum préservé à tous les niveaux de manière explicite, donc a priori par écrit, et nous en sommes soulagés.
Il reste que nous sommes préoccupés par la disparition de l’article 4. En effet, cet article, introduit par le sénateur Nicolas About, interdisait de donner la dose maximale tolérée d’un médicament à une personne dont la pathologie n’avait pas de lien avec le médicament ou qui n’était pas susceptible de lui apporter un bénéfice quelconque. La commission mixte paritaire a finalement décidé de le supprimer, ce dont nous nous étonnons pour le regretter.
Enfin, la phrase stipulant que « le développement de la recherche sur la personne constitue une priorité nationale », au début du texte, reste une ombre. En effet, celle-ci autorise le promoteur d’une recherche à en faire la publicité, ce qui peut faciliter le recrutement, mais ce qui pourrait inscrire le processus de recherche dans une dynamique de « marché-spectacle » que nous récusons.
Cependant, malgré ces quelques points qui nécessitent de la vigilance, et compte tenu de l’importance d’un tel texte, du travail de dialogue qui a eu lieu pendant trois ans et qui a permis d’améliorer considérablement cette proposition de loi dans le sens de l’intérêt général, le groupe écologiste votera pour. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.)