Le Sénat a adopté en deuxième lecture jeudi le projet de loi de régulation postale, qui ouvre les services postaux à la concurrence, fixe les règles de la présence de La Poste sur le territoire national, et l’autorise à créer une filiale bancaire.
Sur fond de forte mobilisation syndicale, les débats se sont achevés dans un hémicycle clairsemé, qui a contraint la majorité à recourir à plusieurs reprises au scrutin public, autorisant les procurations. « C’est un scandale ! C’est indigne de La Poste et des postiers », s’est insurgé Gérard Delfau (ROSE, Hérault). « C’est la grève des transports », a expliqué Catherine Procaccia (UMP, Val-de-Marne). « Il faudrait un service minimum pour les sénateurs de droite », a ironisé Jean Desessard (Verts, Paris).
Le texte adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 21 janvier, après un premier passage devant le Sénat en janvier 2004, a recueilli 202 voix contre 127. La majorité UMP-UDF était pour, le PS et le PCF contre.
Il a pour objet de transposer dans la législation nationale deux directives européennes de 1997 et 2002, qui mettent un terme au monopole de la Poste pour les plis au-dessus de 100 grammes et, à partir de 2006, pour les plis de plus de 50 grammes.
Les sénateurs l’ont amendé à la marge. Là où les députés avaient prévu d’interdire que « plus de 10% de la population d’un département se trouve éloignée de plus de 5 km des plus proches accès au réseau de la Poste », ils ont ajouté : « et plus de vingt minutes de trajet en automobile ». Le projet crée une Autorité de régulation des télécommunications électroniques et des postes (ARCEP), étendant au domaine postal les pouvoirs de régulation de l’actuelle Autorité de régulation des télécommunications (ART). Il institue en outre un « fonds de compensation du service postal », qui interviendra au cas où les recettes du service universel assuré par la Poste ne couvriraient pas la charge financière découlant de ses obligations.
S’agissant du statut des personnels de la Poste, les sénateurs ont levé les restrictions que la loi de 1990 imposait à l’entreprise en matière de recrutement d’agents contractuels. Cet amendement avait été dénoncé à l’avance par la fédération Sud PTT qui Y voit « l’extinction du statut de fonctionnaire ». Se prévalant d’une pétition des maires ruraux pour le maintien des services publics, les sénateurs socialistes ont accusé le gouvernement d’avoir « refusé d’écouter la voix des élus ». « Vous devrez vous expliquer sur le terrain », a averti Pierre-Yvon Trémel (PS, Côtes-d’Armor). « Vous avez montré une nouvelle fois votre volonté de céder le service public aux intérêts du grand capital, en artisan zélé de l’intégration communautaire », a renchéri Michel Billout (PCF, Seine-et-Marne) qui a inscrit l’opposition de son groupe au projet de loi « dans le combat contre le traité de Constitution européenne » .
Le ministre de l’Industrie Patrick Devedjian a renvoyé la gauche à ses responsabliites, faisant valoir que les deux directives européennes qui sous-tendent le texte avaient été adoptées du temps du gouvernement de la « gauche plurielle ». « C’est facile d’accepter les directives sans les transposer ! Vous ne l’avez pas fait pendant cinq ans », a-t-il lancé, reprochant à la gauche d’avoir créé à La Poste « 10.000 emplois précaires ». « Nous avons réparé vos carences. C’est nous qui reprenons le flambeau du progressisme », a+il ajouté.