La majorité sénatoriale a mis en minorité mercredi le gouvernement pour pouvoir conserver ses prérogatives parlementaires dans le cadre du projet de réforme constitutionnelle sur l’équilibre des finances publiques, dit « règle d’or ».
A l’issue d’un débat animé de plus de deux heures et demie, les sénateurs de la majorité ont amendé une disposition du projet de loi qui réservait le monopole des mesures fiscales aux lois de finances (Etat et Sécurité sociale). Les parlementaires ont dénoncé cette mesure qui les empêcherait de prendre des mesures fiscales via des amendements ou des propositions de loi. L’article 40 de la Constitution leur interdit déjà d’alourdir les dépenses de l’Etat.
Les députés, qui ont déjà adopté le texte le 10 mai, ont amendé cette disposition mais pas assez au goût des sénateurs de la majorité. L’Assemblée nationale a prévu que le dépôt de textes contenant des dispositions fiscales resterait possible en cours d’année, mais le gouvernement et les présidents d’assemblée pourront leur opposer l’irrecevabilité à tout moment.
L’amendement voté au Sénat et présenté par les présidents de la commission des Lois, Jean-Jacques Hyest (UMP), et de l’Economie, Jean-Paul Emorine (UMP), prévoit que toutes les mesures relatives aux prélèvements votées dans d’autres textes n’entreront en vigueur qu’après avoir été approuvées par une loi de finances ou loi de financement de la Sécurité sociale.
Il a été l’occasion d’une passe d’armes entre François Baroin, ministre du Budget, et sa majorité, qu’il a avertie qu’il « reviendra devant l’Assemblée et que le gouvernement ne se détournera pas de son chemin ». « Il nous faut des règles supplémentaires, des normes supplémentaires, le statu quo n’est pas possible », a-t-il plaidé en vain.
« L’initiative parlementaire serait réduite à zero », a protesté M. Hyest. « Laissons un peu d’initiative aux parlementaires, nous sommes responsables », a embrayé M. Emorine. « Il y va du fonctionnement et de l’autorité du Parlement », a clamé Dominique Braye (UMP). « Il ne nous est pas possible à nous parlementaires de se faire hara-kiri au nom des déficits budgétaires », a dit Hervé Maurey (Union centriste).
La gauche n’a pas pris part au vote, dénonçant un « ravaudage ».
« Lorsqu’on mange son chapeau, il faut beaucoup de salive, vous allez être obligé d’accepter le fait que vous n’ayez plus la décision politique sur le budget », a déclaré Jean Desessard (EELV).
« Que d’énergie pour une loi qui n’ira jamais à Versailles à la grande satisfaction secrète de nombre d’entre vous de la majorité qui nous en font la confidence dans les couloirs mais qui par prudence voteront », a ironisé Bernard Frimat (PS).
Nicolas Sarkozy aurait renoncé à convoquer le parlement en Congrès à Versailles, selon une source parlementaire, de peur de ne pas réunir la majorité requise des 3/5e.
Le texte prévoit d’inscrire dans la Constitution la création d’une nouvelle catégorie de lois, des « lois-cadres d’équilibre des finances publiques » programmant sur trois ans les efforts budgétaires que la France doit fournir pour assainir ses comptes. Les sénateurs ont précisé le contenu en indiquant qu’elles « fixent pour chaque année un plafond de dépenses et un minimum de mesures nouvelles afférentes aux recettes ».