PARIS, 19 mai 2011 (AFP) – Le Sénat a adopté jeudi le projet de loi sur l’entrée de jurés populaires en correctionnelle et la refonte de la justice des mineurs, deux réformes considérées par l’opposition comme « populistes » et autant de « nouveaux gestes de défiance » à l’égard des magistrats.
Présenté en urgence par le gouvernement (une seule lecture par chambre), le projet de loi devrait être définitivement voté avant la mi-juillet.
Il répond au voeu émis l’automne dernier par le président Nicolas Sarkozy de « rapprocher » les Français de leur justice en associant les citoyens au jugement des délits (correctionnelle). Actuellement, les jurés populaires ne siègent que dans les cours d’assises qui jugent les crimes.
Le texte prévoit que deux « citoyens assesseurs », tirés au sort sur les listes électorales, siègeront aux côtés de trois magistrats, en première instance et en appel, dans les affaires correctionnelles, pour huit jours d’audience maximum sur une année.
Le périmètre de compétence de ce nouveau « tribunal correctionnel citoyen » s’étendra aux atteintes à la personne humaine punies de cinq ans d’emprisonnement au moins (violences, vols) ainsi qu’aux infractions au Code de l’environnement.
A terme, près de 40.000 affaires par an devraient être jugées par ce « tribunal citoyen ».
La portée du projet de loi est cependant fortement réduite par le fait que la participation de ces « citoyens assesseurs » fera l’objet d’une expérimentation dans quelques cours d’appel (de deux à dix) jusqu’au 1er janvier 2014, avant que le Parlement ne légifère définitivement.
Un second volet du texte prévoit des modifications importantes de l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs. Une réforme qualifiée d' »entreprise de démolition du droit pénal des enfants » par la socialiste Catherine Tasca.
Si le Garde des Sceaux Michel Mercier a plaidé pour « une réforme utile », qui va « permettre à nos concitoyens de s’approprier leur justice », l’opposition s’est déchaînée contre ce « mauvais coup porté à une justice qui ploie déjà sous le fardeau », selon les termes de Robert Badinter.
« Et pourquoi ?, s’est interrogé l’ancien ministre socialiste. Pour dire, avec un joli mouvement de menton, que le peuple a retrouvé la fonction de rendre justice ! ». « Allons donc ! Laissons de côté ces slogans ! La vérité, c’est une magistrature qui n’en peut plus et à laquelle vous confiez des tâches inutiles ! », a-t-il ajouté.
« Personne n’a demandé cette réforme », qui est « née du fait du Prince », a lancé Jacques Mézard (RDSE), un des principaux orateurs de l’opposition.
Mme Tasca a renchéri: « C’est une solution populiste, un leurre envoyé aux citoyens ! »
« Un texte liberticide, avec une procédure accélérée à des fins électorales », a jugé l’écologiste Jean Desessard.
Même dans les rangs de l’Union centriste, le texte a soulevé des doutes. Ainsi Yves Détraigne a noté que « la question de l’utilité de la réforme restait posée ». « Elle figurait dans le programme de Nicolas Sarkozy en 2007 mais personne ne la demandait. Je crains qu’elle ne ralentisse le cours de la justice », a-t-il dit avant d’annoncer son abstention.
L’UMP André Reichardt a sobrement remarqué que « l’assesseur citoyen nécessitera des moyens supplémentaires ». « Le gouvernement s’est engagé sur ce point, nous lui faisons confiance », a-t-il dit.
Michel Mercier a reconnu que le texte voté n’était « pas celui du gouvernement », mais s’est félicité d’avoir « trouvé un accord équilibré », saluant au passage le rapporteur Jean-René Lecerf (UMP), qui a profondément remanié le projet en commission.