Laurent Grzybowski – publié le 10/05/2011
Stigmatisant « les dérives de l’assistanat », qu’il qualifie de « cancer de la société française », le ministre des Affaires européennes, Laurent Wauquiez, propose de plafonner les aides sociales et de contraindre les bénéficiaires du Revenu de solidarité active (RSA) à effectuer cinq heures de travail hebdomadaire d’intérêt général. Des propos qui, à droite comme à gauche, provoquent un véritable tollé.
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Le ministre Laurent Wauquiez (UMP) a indiqué que son groupe, la Droite sociale, déposerait dans les 10 jours à l’Assemblée une proposition de loi pour contraindre les bénéficiaires du RSA à « assumer » cinq heures hebdomadaires de « service social ». Invité le dimanche 8 mai à l’émission BFMTV 2012 – Le Point-RMC, le maire du Puy-en-Velay a dénoncé les « dérives de l’assistanat » qualifié de « cancer de la société française ». Il a également proposé de plafonner le cumul de tous les minima sociaux à 75% du Smic. « Aujourd’hui, un couple qui est au RSA, en cumulant les différents systèmes de minima sociaux, peut gagner plus qu’un couple dans lequel il y a une personne qui travaille au Smic, a-t-il avancé. Ca, c’est la société française qui tourne à l’envers. »
Des propos contestés par une les associations, par les syndicats et par une grande partie de la classe politique. « Pour le gouvernement, la pauvreté est un choix dans lequel les oisifs se complaisent au mépris des travailleurs, alors que la précarité s’est trouvée exacerbée par une crise financière dont la droite porte la responsabilité idéologique ! », s’indigne le sénateur écologiste Jean Desessard. « Comment peut-on vouloir diminuer des allocations qui ne permettent déjà plus de survivre ? », s’interroge le mouvement ATD Quart Monde qui dénonce une « proposition surprenante fondée sur des calculs erronés ». Depuis la création du RMI en 1988, alors à 50 % du Smic, le RSA n’a cessé de baisser et ne représente plus que 43 % du Smic. Même avec les allocations familiales, il est impossible d’atteindre le Smic.
« Ce discours est dangereux, il faut arrêter avec cela », déclare Laurent Berger, secrétaire national à la CFDT. « Monsieur Wauquiez se dit de la droite sociale, mais ça frise plutôt la droite extrême ». Selon lui, « ajouter des contreparties pour bénéficier du RSA, c’est laisser penser que les chômeurs seraient des profiteurs, alors que ce sont des gens qui sont victimes de la crise et d’un chômage de masse récurrent ».
Pour la Fondation Abbé Pierre, « cette proposition alimente un débat qu’on voit le plus souvent surgir à l’orée d’échéances électorales. Et le plus souvent, il stigmatise des personnes sans emploi censées gagner plus que certaines qui travaillent. Le processus est connu. » Mais la Fondation Abbé Pierre – qui n’entend cependant pas réagir à tous les propos de campagnes qui fleuriront dans les mois à venir – « luttera avec force et détermination à chaque fois qu’un projet visant à s’attaquer aux plus faibles sera versé au débat public ».
Preuve du trouble créé par ses propos, François Fillon lui-même les a vivement condamnés. Et sa collègue UMP Roselyne Bachelot, ministre des solidarités et de la cohésion sociale, a pris ses distances : « ces propositions posent des difficultés de principe et de mise en oeuvre ». Martin Hirsch, qui avait été chargé d’instaurer le RSA par Nicolas Sarkozy lui-même, est encore plus catégorique : « cette proposition est une campagne de désinformation » dénonce l’ex-haut commissaire aux solidarités actives. On ne peut être plus clair.