De Suzette BLOCH (AFP)
PARIS — Le Sénat a entamé mardi à son tour, après les députés, l’examen du projet de loi sur la bioéthique, qu’il a profondément remanié en commission avec l’autorisation encadrée des recherches sur l’embryon et la levée de l’anonymat pour les donneurs de gamètes.
L’examen des 33 articles du texte, prévu pour durer jusqu’à jeudi soir, voire vendredi, s’annonce agité, les sénateurs étant profondémment divisés au sein de chaque groupe politique. Sur la plupart des points, ce sera le vote individuel qui prévaudra et non pas une position de groupe.
« Ce troisième projet de loi sur la bioéthique depuis 1994 nous interpelle tous au-delà de nos convictions politiques », a souligné Guy Fischer (CRC-SPG, communiste et parti de gauche). « Ce projet de loi peut être très mouvant » a-t-il convenu.
Seul point d’accord quasi-unanime, l’interdiction du transfert d’embryons post mortem (après le décès du père) votée en commission alors que l’Assemblée nationale l’avait autorisé et qui devrait être ratifiée en séance. « Après les +bébés médicaments+ nous ne voulons pas voir arriver les +bébés souvenir+ », a résumé le chef de file des sénateurs centristes François Zocchetto.
La commission a profondément bouleversé la version du texte votée par les députés sur d’autres points.
Elle a autorisé, sous encadrement strict, la recherche sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires. Cette recherche est actuellement interdite sauf dérogation et les députés n’avaient pas touché à ce statu quo.
« Nous ne pouvons, en conscience, et vis-à-vis des générations futures, décider de fermer une voie du progrès médical », a plaidé le rapporteur UMP Alain Milon.
Cette autorisation pourrait être ratifiée en séance, toute la gauche y étant favorable ainsi qu’une partie de la majorité. Mais l’UMP et les centristes sont très partagés. « Les avancées de la science doivent être saluées lorsqu’elles servent les êtres humains, mais combattues lorsqu’elles se servent des êtres humains », a lancé avec passion Thérèse Hermange (UMP).
Même position du gouvernement qui « souhaite », a déclaré la secrétaire d’Etat à la Santé, Nora Berra, « maintenir le régime d’interdiction actuel ».
Autre point de friction: la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes, que les députés avaient supprimée du texte d’origine et qui divise tous les groupes. « Nous sommes partagés dès que nous abordons la question de l’anonymat des dons de gamètes, la gestation pour autrui ou encore l’implantation post mortem », a reconnu Raymonde Le Texier (PS). Même chose pour le RDSE (à majorité radicaux de gauche). « La rupture de l’anonymat, c’est une erreur », a lancé Gilbert Barbier (RDSE).
Le gouvernement, qui avait prévu la levée de l’anonymat, semble avoir changé de position. « J’ai entendu les arguments des députés sur les inconvénients de la levée de l’anonymat » notamment « l’importance donnée au biologique par rapport à l’éducatif », a dit Mme Berra.
La commission des Affaires sociales a également supprimé une disposition sur le diagnostic prénatal, introduite à l’Assemblée, qui donnait un rôle accru au médecin et qui avait créé un certain émoi dans le monde médical. Là encore notamment à l’UMP les positions divergent.
Jean Desessard (Europe Ecologie/les Verts) a dénoncé un texte « sans envergure, du fait des tabous des courants les plus traditionnalistes de la majorité ».
La discussion des 170 amendements déjà déposés devait commencer mercredi soir.
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