Le délit de lèse-majesté a été aboli, mais le délit de lèse-Dassault semble d’actualité. Jeudi 9 novembre, en séance au Sénat, dans le cadre de l’examen du projet de loi « Participation et actionnariat salarié », j’ai eu droit à un rappel au règlement émanant du président de la commission des finances Jean Arthuis.
On lui reproche d’avoir stigmatisé la dynastie Dassault , d’avoir prononcé des mots « blessants et totalement déplacés ».
Ce n’est pas déplacé de constater que la concentration des richesses, transmise de père en fils, de Marcel Dassault (sénateur des Alpes-maritimes puis député de l’Oise) à Serge Dassault (sénateur de l’Essonne et maire de Corbeil-Essonnes), et de Serge Dassault à Olivier Dassault (député de l’Oise), permet des concentrations de pouvoir qui sont dangereuses pour la démocratie, basée justement sur l’équilibre des pouvoirs. Qu’un chef d’entreprise d’une telle puissance puisse en même temps contrôler des médias de premier ordre et voter les lois est une anomalie démocratique.
Jean Arthuis lui a reproché « qu’un collègue puisse faire référence à la profession qu’exerce tel ou tel d’entre nous ». Pourtant, c’est Serge Dassault lui-même qui revendique son statut social dans son rapport sur ce projet de loi, quand il écrit : « En tant que chef d’entreprise, votre rapporteur pour avis a toujours placé au coeur de ses préoccupations la cohésion sociale et la responsabilité sociale. » Quand Serge Dassault parle, au Sénat ou au conseil municipal de Corbeil, on ne sait pas avec quelle casquette il s’exprime : le sénateur, représentant de sa circonscription, ou le chef d’entreprise, représentant de l’industrie de l’armement. Apparemment, lui-même ne fait plus la distinction.
Si les propos de Jean Desessard ont pu heurter ce que M. Arthuis appelle « la courtoisie parlementaire », la concentration des pouvoirs de Serge Dassault heurte la courtoisie démocratique !