Débat sur la dépendance

Mardi 15 février, le Sénat débattait de la question de la compensation de la perte d’autonomie, autour du rapport de   la mission d’information dépendance.

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aperçu Débat d’orientation sur la dépendance

 

Voici le verbatim de l’intervention de Jean Desessard :

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, la mission nous a éclairés sur les chiffres. La perte d’autonomie concerne aujourd’hui 12 % des plus de soixante-quinze ans ; 600 000 personnes vivent en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, EHPAD. La perte d’autonomie coûte aujourd’hui 21 milliards d’euros par an et coûtera 8 milliards de plus dans quinze ans. Nous sommes tous d’accord !

Ainsi, le besoin de financement serait de 0,5 point de PIB supplémentaire à l’horizon 2025. Mais nous n’avons pas la même lecture des conséquences.

Mme Christiane Demontès. Exact !

M. Jean Desessard. Chers collègues, arrêtons le catastrophisme. La compensation de la perte d’autonomie n’est pas un problème insurmontable à l’échelle des problèmes planétaires.

Cela menace-t-il l’environnement mondial, problème numéro un aujourd’hui ? Non !

Cela crée-t-il des tensions sur les ressources naturelles ? Non !

Cela crée-t-il des tensions d’approvisionnement des ressources alimentaires ? Non !

Cela pose-t-il des problèmes pour les générations futures ?

M. Jackie Pierre. Oui !

M. Jean Desessard. Non ! Notre collègue Guy Fischer l’a dit, ce n’est pas un risque pour la société. C’est un problème de financement. Eh oui ! Et ce problème de financement pose le problème de la solidarité nationale,…

Mme Nicole Bricq. Exact !

M. Jean Desessard. … celui de la redistribution des richesses. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)

M. Guy Fischer. Voilà des paroles sensées !

M. Jean Desessard. Et comment résoudre le problème de la redistribution des richesses ?

M. Guy Fischer. En prenant aux riches !

M. Jean Desessard. Le problème, c’est que notre société est de plus en plus inégalitaire.

La première des inégalités est celle de l’espérance de vie, particulièrement celle de l’espérance de vie en bonne santé.

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Jean Desessard. Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler longuement lors du débat sur les retraites. Dégradation de l’environnement, épidémies de cancer, mal-être au travail : nos conditions de vie se détériorent, surtout pour les plus précaires d’entre nous.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Qu’avez-vous fait quand vous étiez au pouvoir ? Qu’a fait M. Jospin ?

M. Jean Desessard. L’autre grande inégalité se trouve dans les écarts de richesses. En ce qui concerne les personnes âgées, ce n’est pas en faisant baisser les pensions de retraite que les choses vont s’arranger.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Ce que nous n’avons pas fait !

M. Jean Desessard. Si ! De fait !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Non, nous n’en avions pas besoin !

M. Jean Desessard. Si ! De fait !

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Nous avons sauvé la retraite par répartition pour éviter que les retraites ne diminuent !

M. Jean Desessard. Alors, dans ce contexte marqué par la précarité, à la question : « Comment assurer à tout citoyen ayant perdu son autonomie une vie dans un cadre matériel décent, permettant de maintenir les liens familiaux et sociaux, avec des solutions qu’il ou elle a librement choisies ? », je réponds : en organisant un service public de la compensation de la perte d’autonomie.

Avec tambours et trompettes – ou plutôt tambours et tromperies –, …

M. Guy Fischer. C’est mieux !

M. Jean Desessard. … le Président de la République prétend ouvrir le débat alors que les bases de discussion sont déjà fermées. D’ores et déjà, il a exclu le débat sur la convergence en faisant le choix de ne traiter que de la perte d’autonomie des personnes âgées. D’ores et déjà, il a laissé entendre que les compagnies d’assurance auront un rôle à jouer dans la « cinquième protection ».

M. Guy Fischer. C’est vrai !

M. Jean Desessard. Mais, pour nous, la compensation de la perte d’autonomie ne doit pas devenir un marché juteux pour le privé.

Premièrement, il faut absolument élargir l’APA et aller plus loin car, au-delà de la dépendance, la question de l’hébergement reste entière et non traitée.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Demain, on rase gratis !

M. Jean Desessard. En effet, 80 % des personnes accueillies en maison de retraite doivent faire appel aux ressources de leurs proches, qui, évidemment, n’ont pas tous les moyens d’assumer une telle charge. Cette situation est devenue intolérable, et cela a été dit sur toutes les travées de notre assemblée.

Deuxièmement, nous souhaitons une meilleure formation aux métiers de la dépendance. Actuellement, ces métiers sont trop peu attractifs et les salaires trop faibles.

Moins d’un aidant à domicile sur cinq est diplômé aujourd’hui. Il est urgent d’offrir des services de qualité à domicile et en établissement.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Là dessus, nous sommes d’accord !

M. Jean Desessard. Les écologistes sont pour le soutien à domicile des personnes âgées mais également pour le développement de solutions intermédiaires, alternatives aux maisons médicalisées et impersonnelles, notamment grâce à l’économie sociale et solidaire et au tiers secteur. Il faut encourager l’ouverture de structures à taille humaine, la vie en petite communauté, tout cela sans but lucratif et à tarifs abordables pour les personnes dépendantes et leurs familles.

Il faut également aider davantage les aidants familiaux, trop souvent isolés et ayant des difficultés à allier leur vie professionnelle avec la mission d’aidant.

Troisièmement, il faut de la prévention, encore de la prévention et toujours de la prévention !

J’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen de la mission « Santé » du projet de loi de finances : la prévention est essentielle, et pourtant si peu financée.

Il faut informer les personnes vieillissantes et les suivre. Il faut aussi adapter l’environnement aux seniors, rendre la ville plus lente et le logement plus facile à vivre. L’urbanisme doit avoir pour visée une ville plus douce, plus accessible aux personnes âgées, aux personnes à mobilité réduite.

Un exemple : en 2004, les chutes constituaient 84 % des 20 000 accidents de la vie courante survenus chez les plus de soixante-cinq ans. Il est possible de limiter ces accidents dont les conséquences sont parfois dramatiques.

Certes, financer un grand plan pour l’habitat des seniors, former des aidants, investir dans des structures adaptées et diverses pour répondre aux besoins de chacun, cela coûte de l’argent et vous allez nous ressortir l’argument selon lequel on ne peut se permettre de prendre en charge la compensation de la perte d’autonomie vu l’état des finances publiques.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Nous ne disons pas cela !

M. Jean Desessard. Notons que l’augmentation de ces besoins ne va pas croître indéfiniment, car la prise en charge des baby-boomers en situation de dépendance ne se prolongera pas au-delà de 2040.

Mais, au-delà de ces éléments, je pense que la compensation de la perte d’autonomie crée de l’emploi – et cela a été dit, même sur les travées de la droite –…

Mme Isabelle Debré. Très bien !

M. Jean Desessard. … et il s’agit d’emplois socialement utiles, non délocalisables et non polluants. Le must !

M. Paul Blanc. Bravo !

M. Jean Desessard. Alors que l’on recherche justement des solutions en matière d’emplois, là, nous avons la solution.

De toute façon, prendre en charge nos aînés n’est pas une option.

C’est pourquoi j’affirme ici que les écologistes sont pour un droit universel à la compensation de la perte d’autonomie et, au-delà du seul enjeu des moyens, pour une écologie des seniors insérant véritablement les personnes âgées dans la vie sociale et citoyenne.

La compensation de la perte d’autonomie est un problème de redistribution des richesses, de solidarité. La solution réside dans une refonte de la fiscalité, plus juste et plus équitable.

Pour nous, monsieur le rapporteur, qu’il soit obligatoire ou optionnel, nous ne sommes pas pour le système assurantiel.

En conclusion, je rappellerai que, pour nous, la dépendance pose la question cruciale de la solidarité nationale.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

L’intégralité du débat est disponible sur le site du Sénat.