Laurent BerbonLe 25.01.2011 à 18:01
Adoptée contre toute attente en commission des affaires sociales du Sénat il y a une semaine, la proposition de loi légalisant l’euthanasie ne devrait pas être adoptée en séance mardi soir. Des amendements de la majorité UMP ont en effet vidé le texte de sa substance. Pour autant, certaines voix se félicitent que le Sénat ait pu mettre la question sur la table, assurant que « le débat ne fait que commencer ».
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Les sénateurs ne franchiront pas le pas. Adoptée par surprise en commission des affaires sociales la semaine dernière, la proposition de loi visant à légaliser l’euthanasie a été vidée de substance mardi par la même commission. Deux amendements déposés par la sénatrice UMP Marie-Thérèse Hermange et le radical Gilbert Barbier (RDSE) ont été adoptés et suppriment notamment l’article 1er du texte. Cet article clé du texte prévoyait la possibilité d’ « une assistance médicalisée, permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et sans douleur ». Un texte entouré de plusieurs précautions. Des garanties qui n’auront pas convaincu l’essentiel des sénateurs, notamment UMP.
« Si la semaine passée le vote favorable approuvant le texte avait pu surprendre, la semaine a aussi été mise à profit pour contrecarrer la proposition de loi », regrette le sénateur CRC Guy Fischer, l’un des trois sénateurs à l’origine de la proposition de loi. Lundi, dans une tribune dans le quotidien Le Monde, François Fillon avait en effet manifesté son opposition au texte. Même son de cloche du côté du ministre du Travail Xavier Bertrand. La semaine dernière, à peine le texte adopté, la majorité UMP de la commission des Affaires sociales avait dit « regretter » ce vote dans un communiqué. C’est pourtant un UMP, le sénateur Alain Fouché qui est avec trois sénateurs de l’opposition à l’origine de ce texte. Mais il n’est pas forcément besoin d’être à l’UMP pour s’opposer au texte. « Ce n’est pas un texte satisfaisant vis-à-vis de la déontologie médicale. Un tas d’éléments de ce texte prêtent à ambiguïté », affirme Gilbert Barbier. Autant dire que le débat en commission mardi était animé. « Je n’ai jamais vu une fréquentation pareille », s’étonne Guy Fischer, parlant d’ « ambiance tendue voire électrique ».
« Ce débat doit avoir lieu »
Un sujet qui relève davantage des convictions de chacun dépassant ainsi les clivages classiques gauche-droite. « Il n’y a pas d’unanimité dégagée par chaque groupe sur ce texte. Au groupe CRC ce n’est pas l’unanimité », confirme Guy Fischer. Catherine Procaccia, vice-présidente UMP de la commission des Affaires sociales confie elle aussi ne pas avoir de position tranchée sur la question. « Je ne vais pas voter le texte aujourd’hui mais j’avais voté en commission l’article 1er la semaine dernière parce que j’estime que le débat doit avoir lieu », explique la sénatrice du Val-de-Marne. « Je considère qu’on doit respecter la volonté des morts comme celle des vivants », ajoute-t-elle, estimant toutefois « comprendre les réticences de certains qui se posent la question d’un possible détournement ». « Ce débat permet de dire que la loi Léonetti n’est pas encore suffisamment appliquée. Il fallait donc une discussion », préfère positiver Catherine Procaccia favorable au « développement des soins palliatifs ». Avis que partage le sénateur Gilbert Barbier pour qui « il eût été préférable d’apporter un certain nombre de retouches à la loi Léonetti afin de bien définir les limites en matière de soins palliatifs ».
« Tout ce qui concerne la mort est un sujet difficile »
Un sujet qui interpelle et sur lequel les convictions personnelles voire religieuses ont aussi compté. « Il y a une contradiction entre un sondage rendu public qui dit que plus de 70% des Français et Françaises voudraient voir évoluer la législation et une classe politique figée dans ses certitudes notamment dans des certitudes fortement empreintes d’une culture religieuse », relève Guy Fischer. « Certainement que la question de la religion joue pour un certain nombre de sénatrices et de sénateurs », juge Jean Desessard, sénateur Vert qui votera le texte. Du coté de l’UMP, même constat. « Des personnes plus engagées dans la religion ont peut-être eu moins d’états d’âme que nous pour s’exprimer », reconnaît Catherine Procaccia. Ceci étant, pour Alain Fouché, qui se dit chrétien, c’est plutôt parce qu’il « concerne la mort » que le « sujet est difficile ».
Pour autant, du côté de ceux qui soutiennent le texte, si l’issue de la discussion en séance est connue, on se félicite déjà d’avoir permis de remettre le débat sur la table. « Pour la première fois dans l’histoire du Sénat un tel texte a été adopté par la commission des affaires sociales avec une discussion générale en séance. C’est un débat qui à mon sens ne fait que s’ouvrir », positive Guy Fischer. « Ce texte a attiré l’attention du gouvernement sur l’insuffisance qui existe au niveau des soins palliatifs », ajoute Alain Fouché. Et le sénateur de la Vienne en est convaincu : « Si on ne faisait rien, le gouvernement ne faisait rien avec un grand R », conclut-il.
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