Intervention de Jean Desessard lors de la discussion du budget Santé.
M. Jean Desessard. Mme la secrétaire d’État, permettez-moi de saluer tout particulièrement votre arrivée à la tête de ce ministère. Nous avons beaucoup débattu avec votre prédécesseur, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, sur la loi HPST ! Elle expliquait les choses, défendait ses points de vue, bref elle était intarissable ! Nous nous sommes livrés à une rude bagarre, …que, d’ailleurs, nous avons perdue.(Sourires.)
Mais j’en viens au budget qui nous occupe aujourd’hui.
Pas de surprise, la mission « Santé » est, elle aussi, frappée par les restrictions budgétaires voulues par le Gouvernement ! Les ministres se succèdent, mais, quels qu’ils soient, ils ne comprennent pas, n’admettent pas que la santé ne dépend pas d’une logique comptable, qu’elle est non pas un luxe, mais un droit inscrit dans notre Constitution.
Parlons de la prévention.
Le programme Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins voit ses crédits diminuer de près de 5 % et la prévention ne représente qu’un tiers de ces crédits ! Aussi peu d’argent pour la prévention, c’est dramatique !
Quand on est face à des épidémies de cancer, quand le nombre de malades du sida ne cesse d’augmenter, quand l’amiante n’en finit pas de faire des victimes, le principe de précaution devrait être également appliqué dans le domaine de la santé, ce qui permettrait d’éviter, à terme, des dépenses plus lourdes.
Il faut agir fortement sur les causes des maladies, qui sont de plus en plus souvent liées à la mauvaise qualité de l’air, de l’eau, de nos aliments, à nos modes de vie.
Mais la prévention fait partie d’une autre approche de la santé, une approche globale, qui mettrait l’accent sur l’éducation en matière de santé, qui s’appuierait sur une médecine du travail indépendante et proposerait une meilleure offre de soins sur l’ensemble du territoire. Manifestement, vous ne souscrivez pas à cette approche, madame la secrétaire d’État.
Après avoir tenté de faire passer un cavalier législatif sur la médecine du travail, censuré par le Conseil Constitutionnel, rien n’arrête le Gouvernement.
La semaine dernière, c’est l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, chargée de proposer des solutions pour améliorer les conditions de travail et prévenir le stress et les pénibilités, qui a vu son budget diminuer de 10 %. Quel cynisme, alors que votre ministère regroupe désormais santé et travail ! De plus, c’est en contradiction avec les conclusions du rapport d’information sénatorial sur le stress au travail !
Et où en est-on de l’instance de garantie de l’indépendance de l’expertise demandée par le Grenelle 1 ? Le texte évoquait une « instance d’appel en cas d’expertises contradictoires ». Une telle structure aurait eu une utilité certaine dans la gestion de la grippe A/H1N1 et aurait peut-être évité que des conseillers à la solde des grands groupes pharmaceutiques ne se laissent entraîner dans un conflit d’intérêt en surestimant les commandes de vaccin et en entretenant un mensonge d’État.
Un rapport sur l’opportunité de créer cette instance de garantie devait être remis par le Gouvernement au Parlement en août dernier. Or toujours rien ! J’aimerais savoir où nous en sommes, ou, plutôt, j’aimerais savoir où vous en êtes, madame la secrétaire d’État.
Et pendant ce temps, la part des frais de santé augmente dans le budget des ménages, surtout, évidemment, chez les plus modestes et chez ceux qui souffrent de pathologies chroniques.
Par ailleurs, les crédits de personnels ne sont pas abordés dans cette mission, mais une chose est sûre : nos hôpitaux manquent de personnels. Entre les centres IVG qui ferment et l’AP-HP qui subit des réductions drastiques d’infirmiers et de médecins, comment assurer un service public de qualité ?
Au-delà d’un service public de qualité, est-ce trop demander que ce service soit accessible à tous ?
Dans le programme Protection maladie, la majorité présidentielle s’en prend à l’aide médicale d’État, l’AME, qui bénéficie aux personnes en situation irrégulière vivant en France et dont les revenus ne dépassent pas 634 euros par mois.
Parmi les bénéficiaires de l’AME, les pathologies graves sont surreprésentées, tels les problèmes neurologiques, cardiaques et le VIH.
Comme l’indique M. Jégou dans son rapport, les dépenses d’AME « répondent à un double objectif humanitaire et de santé publique ».
Je précise d’ailleurs que le montant de ces dépenses s’élevait, en 2009, à 540 millions d’euros, ce qui représente moins de 0,3 % des 160 milliards d’euros de dépenses de la branche maladie de la sécurité sociale.
Chers collègues, comptez-vous sincèrement restreindre l’accès aux soins pour ces personnes qui vivent déjà dans une extrême précarité ?
Vous savez pertinemment, et le rapporteur lui-même l’a souligné, qu’obliger des malades insolvables à payer aurait pour effet de les faire renoncer à ces soins.
C’est inhumain. Et nous aurons l’occasion d’y revenir lors des amendements déposés par ma collègue Alima Boumediene-Thiery.
Alors, madame la secrétaire d’État, résumons votre projet : moins de prévention, moins de personnels dans les hôpitaux, mais toujours plus de frais pour les malades et de nombreux médicaments qui ne sont pas remboursés ; les accidentés du travail vont maintenant payer des impôts sur leurs indemnités journalières ; quant aux sans-papiers vivant sous le seuil de pauvreté, ils devront payer pour accéder aux soins ! (Mme Marie-Thérèse Hermange proteste.)
Parce que les écologistes sont pour une véritable citoyenneté de la santé pour toutes et tous, s’inscrivant dans une logique de progrès, prenant en compte les contraintes environnementales, indépendante des intérêts privés, nous voterons contre le budget de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)