Les sénateurs ont voté, samedi 4 décembre dans le cadre de l’examen du projet de budget pour 2011, des amendements qui annulent deux des articles introduits par les députés visant à réduire l’aide médicale d’Etat (AME) dont peuvent bénéficier les personnes en situation irrégulière.
Les députés avaient exclu du panier de soins pris en charge à 100 % des bénéficiaires de l’AME certains actes, produits ou prestations dont le service médical rendu est “faible” ou qui ne sont pas destinés directement au traitement d’une maladie, comme les cures thermales ou le traitement de la stérilité. Ils avaient également institué une contribution forfaitaire des bénéficiaires – adultes – de l’AME de 30 euros par an sous la forme d’un timbre fiscal. Ce sont ces deux dispositions que les sénateurs ont annulé.
“L’AME correspond à des soins de première nécessité. Les cures thermales et les fivettes ont été citées, mais ces exemples ne correspondent à aucune réalité constatée. D’autre part, le risque de « tourisme sanitaire » est sans objet puisque les étrangers gravement malades lorsqu’ils arrivent en France relèvent de la CMU et de la CMU-c”, a expliqué le sénateur (UMP) Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, et l’un des auteurs des amendements adoptés.
“Qui peut croire à des réseaux clandestins de personnes venant en France y suivre des cures thermales ou subir des interventions de chirurgie esthétique ? Cet article populiste et xénophobe tend à stigmatiser les étrangers. Il est indigne de la République”, a appuyé le sénateur (Vert) Jean Desessard.
“Imposer une charge financière à des personnes extrêmement démunies va inciter au report, voire au renoncement aux soins. Des pathologies simples qui auraient pu être soignées à peu de frais risquent de dégénerer en complications graves et coûteuses”, ont fait valoir, quant à eux, les sénateurs centristes à propos du forfait de 30 euros.
“L’article dispose que l’AME ne doit prendre en charge que des actes utiles. Le décret les précisera. Il faut éviter les abus”, a plaidé Nora Berra, secrétaire d’État à la santé. sans succès.
Risque d’”aggraver la situation sanitaire du malade”
L’AME a été mise en place en 1998. Elle permet aux personnes en situation irrégulière résidant en France depuis plus de trois mois et disposant de ressources inférieures à 634 euros par mois de bénéficier de soins gratuits. Elle concerne environ 215 000 personnes et son coût pour 2011 est fixé à 588 millions d’euros contre 535 millions d’euros en 2010.
Les députés avaient adopté, avec le soutien du gouvernement, quatre amendements UMP durcissant les conditions d’accès pour les sans-papiers à l’AME, les mineurs n’étant pas concernés.
Les sénateurs ont également adopté un amendement qui modifie une autre de ces dispositions votées par l’Assemblée nationale : celle qui soumettait à un agrément préalable la prise en charge pour les soins hospitaliers.
“La procédure d’agrément prévue par cet article s’apparente à un réexamen systématique des conditions d’accès à l’AME dont la durée moyenne actuelle est de vingt-trois jours”, a souligné M. Milon, l’auteur de l’amendement. “Soumettre la conduite d’examens à un tel délai ne peut que conduire à aggraver la situation sanitaire du malade ; une telle procédure est également susceptible de pousser les bénéficiaires de l’AME à retarder leur demande de soins, aggravant leur situation sanitaire. Elle risque enfin de transformer les examens planifiés en soins inopinés, perdant ainsi toute efficacité”.
Retrouvez cet article sur le blog « Contes Publics » de Philippe Lecoeur, journaliste au Monde.