Retrouvez ici le débat sur la mission « Ville et Logement » de la Loi de Finances 2011.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le gouvernement Fillon II a promis la rigueur. Nous nous attendions à un budget austère : c’est un budget désolant !
Un exemple : le budget des centres sociaux. Le constat est unanime : la précarité mine notre pays. Huit millions de Français, dont deux millions d’enfants vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté.
Partout en France, le tissu des centres sociaux lutte au quotidien contre les exclusions, pour maintenir ou restaurer le lien social, pour favoriser l’insertion, pour maintenir le logement des plus démunis et permettre aux gens de ne pas s’enfoncer davantage.
Pourtant, vous nous proposez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, dans votre mission « Ville et Logement », de réduire leur budget de 36 %, et ce pour économiser neuf petits millions d’euros ! Dans le même temps –est-il utile de le rappeler ?–, 1 169 personnes bénéficient de 423 millions d’euros au titre du bouclier fiscal !
Ce n’est pas seulement du cynisme ; c’est aussi une erreur. Une démocratie ne peut pas prospérer durablement sur une fracture sociale !
Or ces malheureux 9 millions d’euros ne sont pas des subsides pour assistés ! Ils font vivre un réseau. Pour un emploi financé, c’est plus d’une dizaine de bénévoles qui apportent leur concours ! Voilà des effets de levier que vous ne savez pas voir !
Mais tant pis ! Vous persistez dans votre politique suicidaire de réduction des dépenses, sans vouloir toucher à l’impôt ! Qu’importe le naufrage du corps social tant qu’on entend jouer l’orchestre de la révision générale des politiques publiques ! Et d’ailleurs en vain, puisque, comme l’ont relevé les rapporteurs, vous sous-estimez chaque année les dépenses pour ensuite rectifier les crédits.
Et pour la politique du logement, vous externalisez, vous privatisez ! Pour vous, rien ne saurait échapper au marché ! Le 14 septembre 2006, fier d’un récent voyage aux États-Unis, Nicolas Sarkozy expliquait dans sa « convention pour la France d’après » qu’il lui fallait « une France de propriétaires », et que la recette était simple : il suffisait d’« accorder des crédits hypothécaires » et d’« assouplir les règles prudentielles des banques »… On a vu où cette politique nous a menés : à un fiasco financier international !
La majorité des ménages vivant en zone urbaine consacrent aujourd’hui entre 40 % et 50 % de leurs revenus au logement, dont les charges fixes incompressibles ne cessent d’augmenter. Sur le marché libre, les loyers ont augmenté de 26 % en six ans. Pas une semaine ne passe sans que la presse se fasse l’écho d’un nouveau record de la bulle immobilière.
La raison commanderait de détendre le marché, d’accroître l’offre pour répondre à la demande, en un mot de construire ! Et je ne parle pas seulement du logement social.
Et pourtant : il y a eu 435 000 logements construits en 2007, puis 368 000 en 2008 et 333 000 en 2009. Et votre nouveau budget entérine inexorablement la baisse… Non seulement les aides à la pierre s’amenuisent, mais, en plus, vous vous défaussez du reliquat, en ponctionnant les opérateurs HLM !
Dans le même temps, vous gaspillez des milliards d’euros de dépenses fiscales. De telles mesures sont, au mieux, peu ou pas utiles – c’est le cas des dispositifs Borloo, Robien ou Scellier, qui ont pour effet la présence, ici ou là, d’immeubles à moitié vides – et, au pire, à vocation spéculative, comme la mouture « plus » du prêt à taux zéro, que vous nous proposez cette année.
Et que dire des 14 milliards d’euros d’aides à la personne, mal employés, puisqu’ils amènent les propriétaires à augmenter d’autant leurs exigences, en l’absence de tout encadrement des loyers ? Quel gâchis !
Des mesures doivent être adoptées. Il faut encadrer fermement les loyers, réorienter les dépenses fiscales vers la pierre, construire de vrais logements sociaux au lieu de contourner la loi SRU, taxer les logements vacants de manière dissuasive et toiletter soigneusement les règles d’attribution et de conservation des logements sociaux.
Et puis, référence à l’actualité, permettez-moi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, d’évoquer le droit de réquisition. Cet après-midi, huit étudiants étaient jugés au tribunal de grande instance de Paris pour l’occupation de l’immeuble, vide depuis dix ans, du 69, rue de Sèvres, au cœur du sixième arrondissement de Paris. Ces étudiants habitaient et entretenaient l’immeuble. Ils s’étaient engagés à quitter les lieux dès que la propriétaire voudrait louer, vendre ou effectuer des travaux. Mais elle a préféré les harceler au tribunal et leur réclamer 460 000 euros.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous avais soumis ce cas exemplaire par une question écrite publiée le 9 juillet 2009 au Journal officiel, en vous suggérant de diligenter une réquisition, comme la loi le permet. Vous m’aviez alors répondu que la réquisition est une procédure complexe et qu’il valait mieux appâter la propriétaire, multimillionnaire domiciliée fiscalement en Belgique, par des abattements fiscaux de 70 % sur les recettes locatives…
Si vous défendez bec et ongles le droit de propriété, fût-il abusif, on ne peut pas dire que vous en fassiez autant pour le droit au logement. En effet, près de trois ans après l’entrée en vigueur de la loi DALO, au moins 14 000 familles reconnues comme prioritaires n’ont toujours rien vu venir.
Pour les écologistes, le logement n’est pas un bien comme les autres ; c’est un droit, un rempart contre la précarité, la désocialisation, l’exclusion du système !
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous aurez compris que nous divergeons sensiblement – c’est le moins que l’on puisse dire – sur l’analyse de la situation du logement en France et que votre politique nous est intolérable. En conséquence, nous ne voterons pas les crédits de cette mission.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)