Mardi 9 novembre 2010, les Sénateurs étaient appelés à voter sur les conclusions de la commission mixte paritaire sur le texte « Collectivités Territoriales ».
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il n’y a pas grand-chose à ajouter… (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Alors ne dites rien !
M. Jean Desessard. … tant mes collègues opposés à cette réforme se sont exprimés de façon excellente.
Je souhaite, néanmoins, revenir sur le mode de scrutin. Et à qui vais-je ici m’adresser ? Aux centristes !
M. Nicolas About. Parlez plutôt à vos collègues de l’opposition !
M. Jean Desessard. Premièrement, ce sont eux qui font la décision aujourd’hui, et, deuxièmement, ils sont favorables à un scrutin proportionnel.
M. Nicolas About. Vous n’avez pas voté pour ce mode de scrutin, donc vous n’avez pas de leçon à nous donner !
M. Jean Desessard. Si, j’ai voté pour, monsieur About.
M. Jean-Louis Carrère. M. About a tout oublié ! Il ne voit plus que le remaniement.
M. Jean Desessard. En tout cas, je me souviens que, lors de l’examen du présent texte en première lecture, vous hésitiez à voter pour la création du conseiller territorial. Néanmoins, vous avez dit au ministre : « Je vous fais confiance et on verra par la suite. J’espère que vous tiendrez compte de notre point de vue lors du choix du mode de scrutin ».
M. Nicolas About. J’ai fait voter le Sénat sur cette question.
M. Jean Desessard. J’étais présent, je suis allé vous voir et je vous ai demandé : « Pourquoi faites-vous cela ? Pourquoi leur faites-vous confiance ? Vous les connaissez ! » (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Et vous m’avez répondu : « Je leur fais confiance ! »
M. Nicolas About. J’espérais que vous me soutiendriez.
M. Jean Desessard. Aujourd’hui, monsieur About, lorsque vous êtes intervenu à la tribune – je vous ai bien écouté –, vous avez affirmé que vous aviez été trompé et que vous le regrettiez. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Et qu’avez-vous ajouté ? Que vous ne vous laisseriez pas faire la prochaine fois.
Cela m’a fait penser au pistolet avec des flèches en plastique de mon enfance, qui faisait : « pan » et c’est tout ! (Mêmes mouvements.) Si vous croyez qu’un tel jouet va impressionner Sarkozy et les membres de l’UMP, qui sont si brutaux…
M. Nicolas About. Vous êtes un rigolo !
M. Jean Desessard. Je voulais donc intervenir pour souligner les différents reculs des centristes. Certes, ces derniers sont un peu ridicules, à s’agiter de façon frénétique comme des poissons que l’on tient hors de l’eau, ou à avaler tant de boas. Ils sont coincés et ne savent pas quoi faire, car leur groupe est divisé ! Néanmoins, malgré le ridicule de leur position actuelle, je compatis.
M. Nicolas About. Merci !
M. Jean Desessard. En effet, il nous arrive à nous aussi de nous trouver dans la même situation. Comme la vie politique de notre pays est régie par le bipartisme, nous sommes obligés de composer et de nouer des alliances avec d’autres formations. Et quand notre principal allié se fait pressant, nous sommes parfois contraints de lui dire : « Bon, d’accord, de toute façon nous n’avons pas le choix, mais faites attention la prochaine fois ! » Je compatis donc à vos difficultés actuelles, chers collègues.
Par ailleurs, je vous ai écouté monsieur Maurey. Après avoir pesé le pour et le contre, vous avez décidé de vous abstenir. Mais non ! Il s’agit non pas de faire des comparaisons, mais de savoir quelles sont vos valeurs fondamentales.
M. Nicolas About. Bon sang, mais c’est bien sûr !
M. Jean Desessard. La valeur fondamentale que vous, les centristes, vous défendez, c’est l’indépendance, et celle-ci est permise par le mode de scrutin.
M. Nicolas About. Vous l’avez refusé !
M. Jean Desessard. Or le mode de scrutin que vous vous apprêtez à voter aujourd’hui, chers collègues, conduira à la mise à mort des centristes et de la diversité politique dans les territoires. Toutes les difficultés que vous éprouvez aujourd’hui à justifier au Sénat une réponse positive, tous ces boas que vous êtes contraints à avaler, vous les connaîtrez, demain, dans les vingt-deux régions.
Dans ces vingt-deux régions, il y aura des assemblées territoriales dans lesquelles les centristes n’auront pas la parole et ne seront pas indépendants !
Monsieur Maurey, il ne s’agit pas simplement de vous abstenir. Si vous croyez vraiment au centrisme, si vous voulez que ce courant d’idées, qui est important, ait son indépendance politique, donnez-lui les moyens d’exister dans les départements. Il en va de même d’ailleurs pour les écologistes. (Exclamations sur les travées de l’Union centriste.)
M. Nicolas About. C’est bien de le reconnaître.
M. Jean Desessard. Mais oui ! Toutefois, aujourd’hui, c’est vous qui avez le pouvoir.
Évidemment, monsieur About, vous vous justifiez en affirmant que l’Assemblée nationale a décidé pour vous. Celle-ci vous a donné une grande claque. Et vous, vous dites : « Elle ne nous en donnera pas une seconde ! » Au lieu de défendre la diversité politique et une tendance politique qui doit exister, de même que le courant écologiste d’ailleurs, vous considérez que le Sénat doit garder le dernier mot et vous agissez comme l’Assemblée nationale vous a demandé de le faire. (M. Nicolas About proteste.) Tout de même, ce n’est pas un argument sérieux !
Nous, les écologistes, nous sommes également condamnés par ce mode de scrutin, mais nous ne mettrons pas de nous-mêmes la tête sur le billot. Pour cette raison, nous refusons ce projet de loi.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)