Intervention de Jean Desessard, lors du débat retraites.
Monsieur le Ministre, vous avez parlé de dialogue. Curieux dialogue social que celui qui suscite l’opposition de toutes les centrales syndicales et mobilise des millions de manifestants pendant plusieurs semaines !
Alors, on s’interroge : quel dialogue ? Avec le MEDEF, bien sûr, avec les amis fortunés du Fouquet’s !
Et qui paie l’addition du Fouquet’s ? Les salariés, évidemment, car cette loi est injuste : deux ans de plus au « turbin » pour les travailleurs aux métiers pénibles ! Deux ans de plus pour les femmes qui n’obtiendront pas tous leurs droits à taux plein ! Pas d’avancées pour les poly-pensionnés, les paysans, les petits artisans, les précaires !
Non seulement cette loi est injuste, mais elle est inefficace, car déjà le financement des retraites n’est pas assuré. Vous n’arriverez pas à remettre au travail les seniors, ce qui conduira à la baisse de leurs pensions.
Cette loi ne va pas diminuer le chômage et n’augmentera donc pas, point pourtant fondamental, l’assiette des cotisations destinées à financer les retraites.
Enfin, cette loi va à contresens de l’histoire : alors que les moyens techniques de production nous permettent de mieux vivre, on veut repousser l’horizon du havre de paix que représente la retraite. Alors qu’il faut préserver la planète, économiser les ressources et l’énergie, on prétend que la solution consiste à travailler toujours plus !
Pourquoi cette politique sarkozyste du « ça passe et ça casse » ? Parce que la droite a choisi l’adaptation aux lois du marché international, c’est-à-dire la baisse du coût du travail, l’augmentation des cadences et de la productivité, l’appel à la précarité et à la sous-traitance, la restriction des droits du travail et des salariés. En parallèle, elle a sans complexe choisi de baisser la taxation des plus riches, de favoriser la circulation des capitaux et, par là même, d’encourager la spéculation.
Au cours de ce débat, nous avons vu se dérouler le fil conducteur de votre projet de loi. Tout d’abord, pour plaire au FMI et aux agences de notation, vous reculez aujourd’hui de deux ans l’âge de départ à la retraite. Et, dès demain, vous vous orienterez vers la retraite par points, conception individuelle de l’assurance vieillesse. Puis, logique du marché oblige, vous avancerez progressivement vers un système par capitalisation, que l’on sent poindre dans les articles relatifs à l’épargne retraite !
Au cours de ce débat, nous avons assisté à une confrontation droite-gauche, entre ceux qui veulent l’adaptation libérale au marché, qui font la promotion de l’individualisme – vous l’avez dit à plusieurs reprises ! – et ceux qui veulent garantir la solidarité, qui prônent des réponses collectives aux enjeux de demain.
Vous n’avez pas voulu débattre avec la société en organisant un référendum, mais ce débat aura lieu ! Pendant ces trois semaines, parlementaires de gauche et écologistes, nous avons confronté nos propositions et affiné nos convergences. Nous pouvons dire aux millions de manifestants que leur combat n’est pas fini, que nous continuons avec eux la lutte contre les inégalités, que nous sommes aujourd’hui porteurs d’un projet pour les retraites alternatif, crédible et solidaire, qui, un jour ou l’autre, s’imposera ! C’est pourquoi nous, sénatrices et sénateurs Verts, sommes opposés à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)